C’est le goût de l’exotisme et du voyage garanti ! Un décor sobre, à l’intérieur de la petite salle totalement relookée par rapport à l’ancienne maison qui jadis proposait une cuisine aux saveurs résolument savoyardes ! On y voit sur les murs de vieilles photographies en noir et blanc évoquant des scènes vécues dans le pays d’origine de ce couple de restaurateurs qui, avec le sourire et la qualité au fond de l’assiette, satisfont les consommateurs présents. Ici, la cuisine se veut gourmande : c’est celle du Kosovo…
AUXERRE : Un restaurant kosovar dans la capitale de l’Yonne ? Pourquoi pas, après tout puisque au niveau des curiosités gastronomiques exotiques on peut déjà y manger italien, vietnamien, libanais, thaï, indien, pakistanais, maghrébin, turc, kurde, etc. Il y eut même une époque bénie des dieux (ceux de l’Olympe sans doute !) où en effectuant quelques kilomètres du côté de Champs-sur-Yonne, les épicuriens pouvaient se régaler de cuisine grecque d’une excellence absolue ! D’ailleurs, l’Afrique était également représentée avec une échoppe aux allures atypiques tant dans les assiettes que dans le décorum, près de la gare auxerroise avec un établissement qui aura duré aussi longtemps que le putsch d’un général prenant le pouvoir en Afrique équatoriale débouté au bout de 48 heures de gouvernance !
Ici, au beau milieu de la rue Fécauderie, c’est différent. Dans la rue, des tables constituent une terrasse où se retrouvent en ce milieu de journée dominicale, des ressortissants de ce pays des Balkans, sirotant le fameux café noir bien serré. Un breuvage qui n’est pas fait pour les « fillettes » aux dires de la charmante personne qui accueille la clientèle sur le pas de porte.
On déguste les plats avec gourmandise
L’intérieur est sobre. Des paysages photographiés. Un drapeau à deux aigles qui ressemble à celui de l’Albanie. Des scènes de vie de ce pays méditerranéen dont finalement on ne sait que peu de choses, vue de France. Un pays qui est toujours dans l’impasse politique trois semaines après la tenue des élections législatives, coincé entre son désir de rejoindre l’Union européenne et son besoin d’indépendance pour faire face à ses puissants voisins, la Serbie et la Croatie.
Arrive l’entrée sur la table. Une galette à base de farine de maïs et d’épinards. Ce mets onctueux au palais s’agrémente d’une sauce blanche typique de la gastronomie des Balkans et d’un assortiment de petits légumes en guise d’accompagnement. Rien à redire ! Avec une petite cuillère, le petit bol de sauce blanche s’avale avec gourmandise, en y trempant ou pas les morceaux de cette galette tiède.
Le plat principal se compose de deux filets de poulet délicieusement marinés au préalable ce qui leur confère un goût légèrement sucré, et de deux boulettes de viande traditionnelles, peut-être un peu trop grillées. La salade de crudités, un mix de tomates, poivrons et courgettes, est agréable au goût. L’assaisonnement est parfait. Le tout est présenté sur une planchette de bois où une crème à base de poivrons fait office de condiment.
Le sens de l’accueil et de l’hospitalité !
Côté boissons, le « Balkan Sofra » puisque telle est son appellation, ne propose pour l’heure que des nectars du terroir icaunais, entre Coulanges, Irancy et Chablis. Mention spéciale pour le rosé de Provence ! Mais, la patronne du lieu nous promet des vins du Kosovo d’ici quelques jours pour être tout à fait raccord avec l’esprit de la cuisine de « chez nous » !
Le dessert – il est offert par la maison signe de l’hospitalité agréable qui est toujours une vertu des peuples de l’Est – est excellent : il s’agit d’un gâteau moelleux imbibé de trois sortes de lait, lui donnant ainsi une texture des plus délicieuses en bouche. Quant au rapport qualité/prix, il est des plus corrects avec ce menu testé qui n’excède pas les 18 euros !
Les restaurateurs sont charmants et accueillants : ils n’hésitent pas à faire la causette et à parler de leur pays. Une pointe de découverte supplémentaire qui nourrit les neurones pour des tarifs modiques, compris entre 15 et 20 euros pour les menus.
En savoir plus :
Les - : pas grand-chose à critiquer dans cet établissement ouvert depuis seulement quelques jours et qui apprend à faire ses gammes au niveau du service.
Les + : l’aspect insolite de cette cuisine que les papilles hexagonales ne connaissent pas très bien, et qui mérite d’être découverte. L’accent de la patronne qui maîtrise de mieux en mieux la langue de Molière !
Contact :
Balkan Sofra
17 Rue Fécauderie
89000 AUXERRE
Ouverture tous les jours midi et soir, et en journée pour le salon de thé
Fermeture le lundi.
Thierry BRET
Invité aux 15ème Rencontres Auxerroises du Développement Durable (RADD), le député écologiste d’Indre-et-Loire Charles FOURNIER a présenté lors d’une table ronde réunissant plusieurs acteurs locaux sa proposition de loi visant à expérimenter une « Sécurité sociale de l’Alimentation ». Un projet structurant qui, face à l’urgence sociale et écologique, entend redonner aux citoyens le droit de bien manger, tout en soutenant les agriculteurs et la transition écologique. Ou comment sortir ces droits essentiels de la seule logique du marché, avec l’ambition d’aller bien au-delà de la lutte contre la précarité pour engager un véritable projet de société...
AUXERRE : « Qui a ici déjà entendu parler de la Sécurité sociale de l’Alimentation ? ». La question soulevée en ouverture de la soirée par Denis ROYCOURT plante le décor d’un débat majeur et encore trop peu connu. Lors de la cinquième journée des RADD 2025, le public a pu découvrir une proposition ambitieuse, portée par le député écologiste Charles FOURNIER. Directement inspirée du modèle historique de la Sécurité Sociale, née au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le projet repose sur trois piliers : l’universalité, la solidarité et la démocratie. Avec l’idée de verser à chaque citoyen, une allocation mensuelle d’environ 150 euros à dépenser dans un réseau de producteurs et distributeurs conventionnés, afin de leur permettre d’accéder à une alimentation de qualité, choisie et respectueuse de l’environnement. Plus qu’un simple chèque mensuel, ce modèle ambitionne de créer une nouvelle gouvernance alimentaire : « il ne s’agit pas de dicter ce que les gens doivent manger, mais bien de redonner du pouvoir aux citoyens sur leur alimentation…, explique Charles FOURNIER
Des dépenses qui mériteraient d’être mieux réorientées…
Le projet répond à une triple impasse, à la fois sociale, agricole et sanitaire : « d’un côté, 38 % des Français déclarent avoir déjà eu recours à l’aide alimentaire, une sorte de double peine car non seulement vous ne mangez pas à votre faim, mais vous ne choisissez pas ce que l’on vous donne et de l’autre, des paysans qui sont 20 % à vivre sous le seuil de pauvreté… ».
Quant au sujet de la santé, les chiffres sont explicites, avec 12 milliards d’euros de dépenses annuelles estimées pour faire face à la malbouffe, voire 19 milliards si l’on intègre les frais de dépollution et les coûts indirects. Ne dites pas à l’ancien Conseiller régional EELV que, face à un budget en mal d’économies, sa proposition de loi est utopiste : « en 1945, l’état des finances publiques était pire qu’aujourd’hui, pour des raisons que vous pouvez imaginer. Les enjeux de reconstruction étaient majeurs et pourtant, on a inventé la Sécurité Sociale… ».
Evalué à 180 milliards d’euros, le projet de « carte vitale alimentaire » est à mettre en parallèle avec les coûts cachés de notre alimentation, chiffrés dans un rapport de 2023 par la FAO à 156 milliards d’euros pour la France. Les pistes de financement ne manquent pas : revenus du travail, CSG, revenus du capital, relecture des allégements Fillon, ces exonérations annuelles de cotisations sociales et patronales pesant lourdement sur le financement de la Sécurité Sociale ou bien encore la réorientation de certaines dépenses : « je vous ai parlé des dépenses liées à la malbouffe, j’aurais pu parler des dépenses liées à l’aide alimentaire, qui progressivement pourraient être réorientées. On pourrait évoquer aussi un certain nombre de dépenses et d’aides agricoles qui mériteraient d’être mieux orientées. .. ».
Même sans cadre légal, des dizaines d’expérimentations ont vu le jour en France et près d’une quarantaine de territoires testent aujourd’hui le principe avec des moyens limités. Charles FOURNIER propose pour cela, une loi d’expérimentation et un fonds public permettant à ces initiatives d’être évaluées, soutenues et étendues : « mon expérimentation sur cinq ans coûterait environ 35 millions d’euros par an, c’est tout à fait absorbable… ».
Des actions locales ambitieuses avec le collectif « SoliCagnole »
Et si une autre manière de consommer devenait le moteur d’une justice sociale et environnementale ? Dans l’Yonne, le collectif « SoliCagnole », qui agit pour mettre en place des caisses de solidarité alimentaire sur le département, a lancé un dispositif reposant sur une monnaie locale, la « Cagnole », afin de permettre aux habitants, quel que soit leur revenu, d’accéder à une alimentation bio et locale. Son principe est simple : les adhérents cotisent chaque mois en fonction de leur quotient familial (de 3 à 55 euros) et la caisse mutualisée est complétée pour garantir à chacun un budget mensuel de 55 euros en produits bio, à dépenser chez des producteurs locaux ou magasins partenaires.
Au cœur du projet, explique sa représentante, la volonté de rompre avec l’aide alimentaire reposant souvent sur des produits transformés, importés et dont la qualité laisse parfois à désirer : « comme ces bocaux d’asperges, distribués il y a trois semaines, importés de Chine, dont la DDM (date de durabilité minimale), était dépassée depuis un an… ».
Portée par une ambition à la fois écologique, sociale et éducative, « SoliCagnole » organise aussi des ateliers pour apprendre à cuisiner des légumes de saison et optimiser son budget. Grâce au soutien de la CAF et de France Active, quatre caisses locales ont ainsi vu le jour depuis mars dernier, totalisant 54 bénéficiaires, avec l’objectif visé de 200 adhérents d’ici la fin de l’année.
Une révolution par l’assiette, en discrétion et détermination
Dans le sillage d’initiatives locales de ce genre, la CAF de l’Yonne s’engage à son tour dans une dynamique d’alimentation solidaire. Sans parler explicitement de « Sécurité Sociale de l’Alimentation », la Caisse d’Allocations Familiales a adopté, via son conseil d’administration, une approche centrée sur la solidarité et la durabilité, souligne Anne-Claire OULDHADDI, responsable stratégique de l’action sociale à la CAF de l’Yonne : « l’idée est bien de rester au même objectif que celui décrit tout à l’heure, c’est-à-dire de garantir aux familles allocataires, un accès à une alimentation locale et en circuits courts, tout en assurant un revenu stable aux agriculteurs ».
Une ambition saluée par Philippe CAMBURET, agriculteur bio et ancien président de la FNAB (Fédération Nationale d’Agriculture Biologique), qui y voit un levier doublement vertueux, répondant à la fois à la précarité alimentaire, tout en valorisant des pratiques agricoles préservant le vivant : « finalement, ce qui compte le plus, c’’est que l’on commence à recréer un nouveau rapport à l’alimentation, comme si, en faisant table rase de décennies de surconsommation, de courses au prix le plus bas en rognant toujours plus sur la qualité, on commençait à écrire une autre histoire ».
Une révolution par l’assiette, discrète, mais déterminée…
Dominique BERNERD
A l’appel de leur syndicat, les apiculteurs de l’Yonne, entourés de membres de la Confédération Paysanne, d’élus, de sympathisants de la cause écologique ou simples citoyens, se sont réunis à Auxerre, pour exprimer leur vive inquiétude face à la proposition de loi portée par le sénateur LR de Haute-Loire, Laurent DUPLOMB, en discussion à l’Assemblée nationale. Au cœur de la contestation : le retour possible des néonicotinoïdes, ces insecticides accusés de tuer les abeilles et porter gravement atteinte à la biodiversité et à la santé publique…
AUXERRE : A l’initiative du Syndicat des Apiculteurs de l’Yonne et de l’Association Sanitaire Apicole Départementale, ce rassemblement se voulait avant tout, un acte de vigilance démocratique. « Merci d’être là, entre deux miellées », a lancé en préambule Jean-Michel DUBUS, vice-président du syndicat aux apiculteurs, venus en nombre, malgré la saison chargée. Le discours est sans appel : « cette loi, c'est une catastrophe, une catastrophe pour les abeilles, pour l'apiculture, pour les apiculteurs, mais aussi pour les agriculteurs, même si un certain nombre d'entre eux n'en sont pas conscients ».
Faut-il encore présenter les néonicotinoïdes ? Pour les uns, « remède salvateur et indispensable » à la pérennité de l’agriculture traditionnelle et pour d’autres, un « joyeux cocktail neurotoxique », transformant les champs en déserts biologiques, la biodiversité au rang du passé et les ruches, en cercueils dorés ! Apparus massivement à la fin des années 90, les néonicotinoïdes, à l’image du tristement célèbre « Gaucho », se présentent comme des insecticides « systémiques » : enrobés autour des semences, ils pénètrent la plante, la rendant toxique pour tout insecte qui s’en approche, avec pour résultat des abeilles désorientées ne retrouvant plus leur ruche. Celles qui y parviennent, ramenant avec elles un pollen contaminé qui agit comme un poison lent sur l’ensemble des colonies : « le taux de mortalité qui était inférieur à 10 % est rapidement passé en moyenne à 30 %, voire dans certains territoires et pour certains apiculteurs à 80 %, c’est-à-dire la disparition des colonies… ».
Une loi qui favorise le modèle agricole ultra-productiviste
Pour les apiculteurs présents, la réintroduction de néonicotinoïdes dans l’agriculture conventionnelle, signerait la reprise d’une spirale de la mortalité inquiétante pour la profession, synonyme d’un retour en arrière : « le projet de loi DUPLOMB n’est qu’un copier-coller des revendications de la FNSEA et des JA présentées le 29 août dernier. Elle porte une vision de dérégulation visant à affaiblir les règles qui encadrent depuis vingt ans l’usage des pesticides et les mesures environnementales qui encadrent le secteur agricole… ».
Pour Jean-Charles FAUCHEUX, paysan meunier de Lucy-sur-Yonne et l’un des porte-paroles de la Confédération Paysanne du département, cette loi ne se contente pas de réhabiliter les néonicotinoïdes, elle remet en question dix ans d’interdiction fondés scientifiquement et favorise un modèle agricole ultra-productiviste au détriment de l’agriculture paysanne : « C'est maintenir des fermes et des filières dans une dépendance économique qui les empêche de faire évoluer leurs pratiques au seul profit de l'agro-industrie. En dix ans, la recherche et les investissements pour développer les alternatives déjà existantes et accompagner les producteurs n'ont pas été à la hauteur… ».
Également dénoncé par le syndicat paysan, l’article 3 du texte, visant à relever le seuil des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) ou comment, en langage moins technocratique, augmenter la taille des exploitations avant qu’elles ne soient soumises à des contrôles environnementaux : « un dispositif qui ne va pas favoriser le renouvellement des générations. Pour nous, l'avenir de l'élevage passe par l'installation de fermes partout sur le territoire et non leur concentration sur des territoires déjà denses. Pour cela, les éleveuses et éleveurs ont besoin de revenus, de soutien dans l'exercice de leur métier, de prix garantis, d'outils d'abattage localisés et non de dispositions pour faciliter la production animale industrielle ».
Des pays pas tous logés à la même enseigne en Europe
Mais soutenir une nouvelle autorisation des néonicotinoïdes, c’est aussi en assumer les risques sanitaires pour la population, à commencer par ceux qui les utilisent et l’élue écologiste Florence LOURY s’en émeut : « Depuis de nombreuses années, la communauté médicale et scientifique alerte les autorités publiques pour dénoncer les risques liés à leur usage, des liens clairs ont été établis entre les pesticides et des pathologies graves dont certains cancers, des maladies dégénératives ou des troubles chroniques… ».
Affirmant que la réintroduction de substances dont la dangerosité est reconnue, « serait une décision irresponsable. Il s’agit ici de défendre la santé publique et la prévalence de la science sur la démagogie… ». Pour l’ancien président du syndicat apicole, Alain BARON, la diminution du nombre d’abeilles ne serait pas non plus sans conséquence pour le monde agricole : « beaucoup de cultures dépendent directement de la pollinisation et avec le retour de certains pesticides, les agriculteurs ne se tirent pas une balle dans le pied, mais dans les deux pieds ! ».
Reste qu’aujourd’hui, les pays en Europe ne sont pas tous logés à la même enseigne, entraînant de fait une distorsion de concurrence. Si certaines molécules, dont l’acétamipride, au retour annoncé, sont interdites depuis une dizaine d’années en France, leur usage est autorisé partout ailleurs, comme en Allemagne et en Belgique, pour ce qui est notamment des cultures betteravières. Cherchez l’erreur ! Pour autant, les intérêts économiques doivent-ils prendre le pas sur les enjeux environnementaux et de santé ? Le vote agricole n’est pas négligeable et ce n’est sans doute pas un hasard si à un an des municipales et à deux ans des prochaines présidentielles, un sénateur LR, proche de Laurent WAUQUIEZ, éleveur de profession et ancien président des Jeunes Agriculteurs de aute-LoireHHaute-Loire, propose un texte de loi directement inspiré des syndicats majoritaires que sont la FNSEA et les JA… Certains politiques ont déjà fait leur choix : on se souvient des propos de Nicolas SARKOZY, au Salon de l’agriculture en 2010, « l’environnement, ça commence à bien faire ! ». En campagne pour sa réélection, le 16 avril 2022, Emmanuel MACRON s’était pour sa part voulu prophétique : « ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas… ». On connaît la suite !
Dominique BERNERD
« On se moque des agriculteurs ! ». C’est en synthèse la seule explication qui vaille pour justifier l’action revendicatrice menée par les adhérents de la Fédération départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FDSEA) et des Jeunes Agriculteurs (JA) de l’Yonne, jeudi dernier, devant les grilles du bâtiment préfectoral à Auxerre. Une soixantaine de représentants de la filière, dans un esprit bon enfant, sont venus déverser avant de les étaler des ballots de paille sur la place, lui donnant un air de comice agricole ! Avec en sus, l’accrochage sur le fronton de l’édifice d’une grande banderole noire au message tellement révélateur de l’ambiance actuelle…
AUXERRE : Le manque de respect. La trahison des députés (et en l’occurrence plutôt ceux teintés de vert et de rouge), autant de raisons qui ont fait descendre dans la rue les professionnels de la filière agricole en colère, jeudi en début de soirée, aux alentours de 20 heures, place de la préfecture. Plusieurs tracteurs et engins de chantier, des remorques chargées de ballots de paille, des pick-up garnis de matériel pour pouvoir les répandre aux quatre coins du site choisi par les manifestants, des banderoles de belle dimension aux inscriptions colorisées et explicites (« Stop aux trahisons ! »), et des femmes et des hommes, courroucés par ce nouveau tour de passe-passe de la sphère politique hexagonale, convergent en cette fin d’après-midi vers le point névralgique de la capitale de l’Yonne.
A côté de la cathédrale Saint-Etienne et face à la grille ouvrant vers la préfecture et les bureaux du Conseil départemental, les protestataires eurent tout le loisir « d’aménager » consciencieusement l’endroit à leur guise sous le regard scrutateur des forces de l’ordre, rassemblées dans un angle de la place. Discrète mais présente en cas de débordements qui n’arrivèrent jamais, fort heureusement.
De son côté, Damien BRAYOTEL, président de la FDSEA 89, donne, les pieds dans la paille qui recouvre déjà l’asphalte de la place, des explications aux journalistes, venus l’interroger sur la nature de cette manifestation : « C’est insupportable ! Déjà l’an dernier, notre mouvement avait bloqué les autoroutes pendant un long moment de manière assez sage. Mais, là, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase, avec l’accumulation de normes et de contraintes, sans jamais en enlever. Il y a même des réglementations qui se contredisent : c’est du grand n’importe quoi ! ».
« Nous, autres, dans l’agriculture, on a des valeurs et on s’y tient ! »
En arrière-plan, c’est du pain bénit pour les équipes de nos camarades de France 3, plusieurs agriculteurs façon pack de rugby poussent ensemble et de manière coordonnée un énorme ballot de paille d’une remorque, avant de l’éclater à l’aide de fourches juste au pied de la grille préfectorale. L’atmosphère est joyeuse et chacun visiblement y prend un réel plaisir. Pour autant, il n’y a aucune casse à déplorer.
« On dit stop ! Il faut arrêter tout cela, continue Damien BRAYOTEL, il faut redonner du revenu aux agriculteurs et simplifier les choses au lieu d’empiler les normes à répétition ! ».
En 2024, les agriculteurs avaient eu l’impression d’être entendus. Obtenant des avancées positives sur certains points fondamentaux et des promesses du Premier ministre de l’époque, Gabriel ATTAL qui s’était engagé à les tenir. On connaît la suite entre son départ soudain de Matignon et la fameuse dissolution décidée par le Président de la République, au sortir des européennes.
Au moment où la loi DUPLOMB se discute dans l’hémicycle du Palais Bourbon, les deux fédérations agricoles (FDSEA et JA) exigent que l’Etat respecte sa parole et que les amendements déposés par les députés de l’extrême gauche et de l’écologie ne viennent pas tout remettre en question. « Ils veulent tout casser et revenir en arrière, on ne peut pas supporter ça ! ».
A ce sujet, Damien BRAYOTEL est très clair : « nous dans l’agriculture, on a des valeurs quand des engagements sont pris ! Un engagement, ça se respecte et on le tient ! ».
Les manifestants ont profité de cette tribune visuelle et publique sur l’une des places du chef-lieu départemental pour exiger « la levée immédiate des entraves ».
Puis, Damien BRAYOTEL renchérit : « nous subissons déjà de plein fouet les effets du changement climatique, les fluctuations des marchés, des importations de marchandises qui ne respectent aucune réglementation européenne et que nous autres nous devons appliquer, sans compter les conséquences d’une guerre commerciale voulue par les Etats-Unis, désireux de casser les prix. On nous empêche de nous adapter en nous ôtant les outils nécessaires à notre évolution… ».
Il cite à titre d’exemple le stockage de l’eau, au centre des préoccupations actuelles. « On sait très bien que le stockage de l’eau est un sujet délicat, car il y a des moments, il y en a de trop et d’autres, pas assez. Il faut gérer cela de manière collective et raisonnée. Il n’y a pas d’agriculture sans eau ni de biodiversité sans eau. On garde de l’eau, on évite qu’elle se jette trop vite dans la mer, c’est forcément bénéfique pour tout le monde… ».
Un échange nourri avec le préfet Pascal JAN
Est-ce le début d’un nouveau mouvement contestataire qui pourrait gagner dans les prochains jours l’ensemble du pays ? Le président de la FDSEA 89 reste circonspect. « Nous avons besoin de cette loi DUPLOMB et nous en dénonçons les modifications importantes apportées par une frange des députés, explique-t-il, ce texte est la résultante des manifestations organisées partout dans le pays en 2024. C’est donc la parole de l’Etat, derrière. Si la parole de l’Etat n’a plus de valeur, notre façon de faire du syndicalisme qui est de négocier avec les gouvernements, ne serait plus possible : comment fera-t-on à l’avenir ? ».
Un fil qui est fort heureusement maintenu avec la préfecture de l’Yonne. Si la secrétaire générale et sous-préfète d’Auxerre Pauline GIRADOT a assisté l’après-midi même à l’assemblée générale de la FDSEA et à ses travaux, le préfet Pascal JAN, quant à lui, a pu discuter longuement (plus de soixante minutes aux alentours de 21 heures) avec les représentants de la FDSEA et des JA, sur une place qui prenait des allures de champ de foire, avec cette paille omniprésente.
Toutefois, Damien BRAYOTEL prévient : « on est toujours ouverts à la discussion mais en l’état, ce sont les députés et le gouvernement qui doivent se reprendre sur ce dossier. Nous ne sommes pas des extrémistes et on ne demande pas la Lune : nous demandons juste d’avoir les mêmes moyens de production que nos voisins européens. On a une politique agricole commune et nous devons avoir les mêmes droits que les autres… ».
Pas d’autres actions de ce type ne sont prévues dans l’Yonne dans l’immédiat, sauf la mobilisation des représentants de la FDSEA (FNSEA) et des JA à Paris devant l’Assemblée nationale cette semaine pendant toute la durée des débats sur cette loi DUPLOMB. Une action synonyme de poursuite du combat…
Thierry BRET
C’est une première. Elle se déroulera ce vendredi en milieu d’après-midi à l’hôtel des ventes. La Ville d’Auxerre organisera la première vente caritative de vins à l’estampille du Clos de la Chaînette, juste avant l’ouverture de la manifestation « Fleurs de Vigne ». Normal : le bénéfice de cette animation pilotée par Me Frédéric LEFRANC, le commissaire-priseur auxerrois, sera intégralement reversé à la Fondation du Patrimoine, dans le cadre des travaux de restauration des toitures de l’église abbatiale de Saint-Germain…
AUXERRE : A la manette de ces transactions, il y aura naturellement Me Frédéric LEFRANC, commissaire-priseur en charge de la société « Auxerre Enchères ». Parmi les lots proposés, juste en clin d’œil introductif du week-end de « Fleurs de Vigne », la fameuse manifestation assurant la promotion des productions vineuses de notre territoire accueillie sur les quais de l’Yonne, on notera sept lots de trois bouteilles contenant le nectar tiré du Clos de la Chaînette. Un vignoble chargé d’histoire, propre à l’existence de l’abbaye Saint-Germain dont le propriétaire récoltant n’est autre que le Centre hospitalier spécialisé de l’Yonne (CHS). Ces lots offerts par l’établissement sanitaire seront mis aux enchères ce vendredi à 16h30.
Le bénéfice de cette vente sera intégralement reversé à la Fondation du patrimoine, afin de contribuer aux travaux de restauration des toitures de l'église abbatiale de Saint-Germain.
Précisons que les bouteilles de l’un des rares vignobles urbains en Europe sont rares à la consommation et leur commercialisation nécessite une longue liste d’attente ! Joindre l’utile à l’agréable est plutôt chose vertueuse. D’autant que depuis cinq ans, « Fleurs de Vigne » prend une nouvelle dimension, par sa position sur les quais et par le développement d’animations le samedi.
Cela ne fait que renforcer le lien plus que millénaire entre Auxerre et son vignoble, ce Clos de la Chaînette, au pied de l’abbaye, à découvrir avec modération, bien sûr !
Thierry BRET