Entrepreneur, vous ne pouvez plus prendre le risque de ne pas connaître votre territoire ! Beaucoup d'entre vous ont déjà perçu l'énergie débordante de Vincent PACINI et son talent pour dynamiser un territoire. Peut-être avez-vous même vécu la dynamique « Yonne 2015 » ? A l'aune de nombreuses missions innovantes réussies partout en France, il nous rappelle les liens entre l'entrepreneur et son territoire. A la lecture de ses commentaires, vous allez créer encore plus de valeur pour votre entreprise dans votre environnement territorial…
TRIBUNE : Disciple de Michel GODET, Vincent PACINI est un serial entrepreneur, docteur en économie, initiateur des démarches courtes en prospective, accompagnateur de dynamiques de territoire, particulièrement réussies (Yonne, Annecy...). Il est aussi enseignant chercheur (CNAM Paris, IAE Lyon, IEP Lyon). Sa légère pointe d'accent exprime toute l'énergie, tout le dynamisme et toutes les convictions qu'il partage et essaime auprès de ses interlocuteurs. Posez-lui une problématique complexe et généreusement, dans la minute, il vous ouvre un nouvel angle de vue toujours pertinent, et trois ou quatre clés simples et puissantes pour passer à l'action…
Vincent, selon vous, il est vital pour le dirigeant, aujourd'hui, de se connecter à son territoire. Pourquoi ?
Il y a trente ou cinquante ans, cela n'était pas vital, car une fois l'entreprise démarrée, elle évoluait dans un environnement relativement stable. Aujourd'hui, le manager se trouve, qu’il le veuille ou non, dans un « écosystème territorial » qui bouge vite, de plus en plus vite et dont les règles elle-même changent rapidement. Nous vivons dans un territoire qui a muté, or nous continuons parfois à le regarder avec les lunettes d'il y a cinquante ans.
Comment cela peut-il se traduire, concrètement ?
Dans le petit village de Naucelle (Aveyron), à l'instar de nombreux « centres Bourg », certains commerçants n'ont pas intégré le fait que la majorité de leurs clients habituels passaient l'essentiel de leur temps hors de cette commune. Ils ont périclité. D'autres ont compris que leurs clients passaient la journée à Rodez ou Albi. Ils ont modifié leurs horaires et inventé des services adaptés et ont retrouvé un dynamisme.
Ce constat touche également les entreprises (grands groupes, franchises, banques....) qui disposent d'un réseau d'agences réparties sur le territoire français. Les agences qui offrent les meilleures perspectives de développement sont celles qui sont bien « connectées » à leur écosystème territorial.
J'ai accompagné une entreprise qui vend des produits dans le monde entier. Son territoire comporte bien des routes, que l'on considérait jadis comme l'élément clé du développement économique. Mais, pas le très haut débit, pas l'attractivité pour les cadres supérieurs, et pas les centres de recherche ni autres services immatériels qui l'aideront à inventer les produits de demain (FabLab par exemple).
Cette entreprise peut-elle rester sur ce territoire tout en maintenant sa performance ?
Il faut savoir qu'en France 70 % des créations d'emplois dans le privé ont eu lieu dans les sept principales métropoles.
Je comprends bien l'importance du territoire, mais quelle est la marge de manœuvre d'un dirigeant pour adapter l'écosystème territorial à ses besoins ?
Le préalable indispensable est de comprendre son territoire et de vérifier s'il lui est adapté. Trois stratégies sont possibles pour lui : celle de l'ignorance (Puisque cela a marché jusqu'alors, prions pour que ça tienne), la stratégie de l'évitement (Ce territoire n'est pas adapté à mon développement et je vais devoir le quitter). Là, c'est une question que se posait une start-up de la robotique dans un environnement rural entre Lyon et Paris. Son dirigeant a, pour sa part, pris l'initiative d'interroger tous les acteurs du territoire et de construire une solution avec eux. Enfin, la stratégie de l'adaptation : puisque je suis ancré sur ce territoire et que je dois recruter de jeunes ingénieurs peu enclins à venir tous les jours dans mon village, je mets en place des solutions de coworking, de télétravail. Dans le cas que j'ai suivi, cela s'est même traduit par des effets très positifs sur l'organisation.
Cette stratégie d'adaptation peut se décliner seule, parfois, mais bien plus souvent avec l'aide du collectif (cf. les réussites du cluster de Florence dans le domaine de la rénovation des œuvres d'art ou l'expérience de « Jazz à Vienne », ou de « SPI SOFTWARE » qui créent une dynamique et des richesses pour le territoire (cf. : le succès des dynamiques de clubs d'entreprise, comme en Artois par exemple...).
Le dirigeant peut aussi moduler les trois stratégies. Mais la clé, après s'être interrogé, est de s'y connecter de manière permanente, car son écosystème est en évolution permanente, et ce, de plus en plus vite.
Le territoire n'est-il donc qu'une contrainte de plus à gérer, en plus de toutes les autres contraintes pour l'entrepreneur ?
Ça, c'est la version pessimiste ! En fait, se connecter à son territoire vous amène de nombreux avantages. La bonne nouvelle, c'est que le territoire est devenu un élément clé de la performance, et bien plus que vous ne l'imaginez.
Lorsque vous vous connectez à votre territoire : vous découvrez de nouvelles opportunités, par exemple pour mieux gérer votre consommation énergétique, qui deviendra une composante forte de votre business. Ou pour gérer vos déchets, autre composante qui va vous impacter bien plus demain qu'aujourd'hui, ou encore trouver de nouveaux fournisseurs et de nouveaux clients. Lorsque vous connaissez finement votre territoire et ses entreprises, vous pouvez optimiser votre spécificité et vous démarquer auprès de vos clients.
Autre bonne nouvelle, comme vous le savez la valeur d'un panier de biens est supérieure à la somme des biens. Alors intégrez le territoire dans votre package produits et vous créerez de la valeur, tout en faisant avancer, un peu votre écosystème. Il y a des dizaines de façons de le réussir (par rapport à l'histoire du territoire, sa culture, ses richesses, musées, traditions...).
L'application : expérimentez les connaissances de votre territoire
1/ Vous êtes plutôt un entrepreneur « présentiel » (cela signifie que votre chiffre d’affaires dépend surtout de la population et des revenus de votre territoire à l’instar d’un commerçant, un artisan, une société d'informatique locale ou une profession libérale)…
Demandez-vous :
2/ Vous êtes plutôt un entrepreneur « résidentiel » (cela signifie que votre chiffre d’affaires dépend surtout de la population qui passe sur votre territoire à l’instar d’un hôtelier, un restaurateur, une activité touristique ou culturelle…).
Demandez-vous :
Qu'apportez-vous de plus ?
3/ Vous êtes plutôt un entrepreneur de la « sphère productive » (c’est-à-dire dont le chiffre d’affaires dépend de la croissance des marchés à l'extérieur du territoire, comme une grande industrie).
Demandez-vous :
Philippe CARPENTIER
Deciderjuste.com