Elle avait 32 ans, se prénommait Angélique, maman de deux jeunes enfants de 5 ans et 18 mois. Elle a été abattue par son ex-compagnon à l’arme de chasse, un vendredi de presque été, le 11 juin 2021, à Monéteau. Occupant depuis et pour l’éternité, la 52e place du sinistre calendrier des 122 victimes de féminicides enregistrées cette année-là…
MONETEAU : Il faisait bon se promener ce dimanche sous les frondaisons du parc Colbert à Monéteau. A la sérénité des lieux se mêlaient les souvenirs d’enfance teintés de rires, quand sous la charmille aujourd’hui disparue, se déroulait la remise des prix marquant la fin de l’année scolaire, où les courses en sacs et autres distributions de glaces des festivités du 14 juillet…
Comment imaginer qu’à quelques pas de là, il y a tout juste deux ans aujourd’hui, une jeune femme se faisait tuer sous les yeux de son bébé, par l’homme qu’elle aima un jour, devenu bourreau, attisé par la haine et la colère depuis leur séparation ? Cet après-midi-là, un petit garçon de 5 ans attendit longtemps sa maman à la sortie de l’école. Qui eut la force et le courage de lui dire qu’elle ne viendrait plus jamais… ?
Une longue liste de drames qui n’en finit plus…
Sur la plaque commémorative apposée depuis au pied d’un arbre par la municipalité en hommage à Angélique CLERE et à toutes les victimes de féminicides, quelques fleurs blanches dessinent des traits de lumière sur le marbre noir. Ce funeste 11 juin 2021, était découvert par les gendarmes, près de Marmande, le corps sans vie d’une femme de 55 ans, poignardée par son ancien compagnon.
Selon les chiffres du Collectif « Féminicides par compagnon ou ex », elles furent 122 cette année-là, à perdre la vie de mort violente, sous les coups d’un conjoint ou ex-conjoint. Autant d’hommes considérant leurs femmes comme un objet leur appartenant, avec pour seule issue, de les tuer lorsqu’elles cherchent à partir. A l’aune de la médiatisation et de l’horreur des faits, certains féminicides restent ancrés dans les mémoires, comme celui de Chahinez DAOUD, brulée vive par son ex-mari en Gironde, laissant trois jeunes enfants orphelins.
La polémique qui suivit le drame fut grande quand on apprit que la victime avait plusieurs fois alerté la police sur la dangerosité de son ex-conjoint mais en vain, ses multiples appels à l’aide n’ayant pas été suivis d’effet. Et plus grande encore la colère de savoir que le fonctionnaire de police chargé de recueillir sa plainte, avait lui-même été condamné quelques mois plus tôt à une peine de huit mois de prison avec sursis probatoire, pour violences conjugales !
Déjà une cinquantaine de femmes, victimes de leurs bourreaux en 2023…
Si disputes et séparations représentent plus de la moitié des mobiles des auteurs de violences mortelles au sein d’un couple, le profil des meurtriers est des plus divers, représentatif de tous les milieux sociaux et n’épargnant désormais aucun genre. Pour preuve ce féminicide en mars dernier à Dinan, dans les Côtes d’Armor, où une jeune femme de 28 ans fut mortellement blessée au couteau par sa compagne. Pour autant, la majorité des meurtres relève bien de la seule « gent » masculine. Comme si le fait d’être doté d’un appendice entre les jambes donnait le droit de vie ou de mort sur autrui ! Déjà 50 victimes au « compteur » de 2023, dont une trentaine en contexte de séparation ou de violences connues de tous. Combien seront-elles d’ici la fin de l’année ? Combien d’enfants à s’endormir, sans savoir que le bisou ou le câlin du soir sera le dernier… ?
Se souvenir en se recueillant et parler à l’amie disparue…
« C’est la société qui est malade, il nous faut la remettre d’aplomb et d’équerre par l’amour et la persuasion… ». Comment ne pas se remémorer ces vers du grand Julos BEAUCARNE, à la lecture de la lettre d’une amie d’Angélique CLERE, accrochée avec quelques fleurs, à l’arbre même devant lequel elle perdit la vie ? Quelques mots signés Elodie, évoquant le drame et sa présence tous les onze de chaque mois, pour se recueillir et parler à l’amie disparue… Quelques mots pour se souvenir… Quelques mots pour rappeler qu’envers et contre tout, l’amour sera toujours plus fort que la mort.
Dominique BERNERD