La méga-fusion entre FIAT, CHRYSLER et RENAULT est mort-née. Nous l’avons échappé belle ! On comprend qu’au départ les dirigeants de Renault aient pris en considération une telle proposition. On ne comprend pas que les dirigeants de Fiat aient oublié que le constructeur de l’Hexagone était imbriqué dans toutes sortes de liens avec Nissan et Mitsubishi. On comprend que les nouveaux dirigeants de Renault et le ministre français de l’économie, Bruno LE MAIRE, aient voulu réfléchir avant de sauter le pas. On ne comprend pas en revanche que les dirigeants de Fiat leur aient envoyé un ultimatum…
TRIBUNE : Le ministre de l’économie, Bruno LE MAIRE, s’est rendu à Belfort où, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’accueil n’a pas été très chaleureux lors de cette visite impromptue. Mille emplois qui disparaissent en si peu de temps après qu’on ait claironné la cession du département énergie d’Alstom à General Electric et fait chanter le nombre d’emplois qui seraient créés, ça donne à réfléchir… Imaginez si le même scénario se dupliquait avec Renault !
La semaine dernière, lorsque l’on rêvait encore à des lendemains chantants en trois langues, nous avons rappelé l’histoire de plusieurs symphonies qui sont devenues de sinistres cacophonies. Pour les Français qui n’ont pas la mémoire courte, des images devaient revenir à l’esprit. En 1980, le futur Premier ministre d’une gauche qui allait revenir au pouvoir défilait avec les ouvriers de la sidérurgie à Denain en clamant : « Non seulement il ne faut pas réduire les capacités de nos usines mais il faut les augmenter ! ».
Il n’y a pas d’échec dont on ne puisse tirer parti…
Trois ans plus tard, il devait rentrer le week-end de Matignon à Lille en hélicoptère ; l’autoroute étant barrée pas les ouvriers des usines sidérurgiques du Nord. Beaucoup avaient alors compris que « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent ! ». Depuis quarante ans c’est en millions que se comptent les disparitions d’emplois dans l’industrie française. Tout simplement parce que l’on n’a pas encore compris que dans l’industrie s’applique cette dure loi de la civilisation : « La continuité dans l’effort ». C’est évidemment différent des règles du poker.
Certains pensent que cette affaire est un échec. Prendre le temps de réfléchir ne m’a jamais paru être un échec. Bien au contraire ! Mais pour celles et ceux qui ont ce sentiment, je rappellerai le mot de Richelieu : « Il n’y a pas d’échec dont on ne puisse tirer parti… ».
Quelle était l’une des raisons avancées en faveur de cette méga fusion ? Oublions les billevesées de synergies, tarte à la crème qu’on nous a trop souvent servie et revoyons la belle antienne : la voiture électrique et l’auto-autonome.
Cela nécessite des investissements colossaux, paraît-il. D’où l’idée de la mégafusion pour dégager ces fonds.
À propos des voitures électriques, permettez-moi une digression qui va vous interpeller : comment est fabriquée l’électricité qui va faire rouler ces voitures magiques non polluantes ? En France avec des usines nucléaires auxquelles l’Allemagne a renoncé ! Elle a justement relancé ses centrales à charbon à base de lignite à forte émission de carbone ! Comprenne qui pourra ! Surtout dans un pays où les écologistes forment un parti qui vient de remporter un succès considérable aux dernières élections européennes.
Instaurer un outil commun à la dimension européenne…
Soyons sérieux. A-t-on besoin de fusionner en quelques semaines trois entreprises hétérogènes, issues de trois pays et donc de trois cultures différentes pour investir dans la voiture électrique ?
Ne pourrait-on pas réfléchir quelques instants et s’inspirer de celui qu’on appelle le père de l’Europe, Jean Monnet, et ses grands associés, le Belge Paul Henri Spaak et l’Italien Alcide de Gasperi ? Ils ont créé la CECA. C’est-à-dire la Communauté européenne du charbon et de l’acier. Et cela, à une époque où, à la sortie de la guerre, cela allait « à rebrousse-poil des esprits ».
Alors, pourquoi ne pas tenter de mettre sur pied la CEVEA. Une Communauté européenne de la voiture électrique et autonome. Est-il invraisemblable d’imaginer qu’un homme audacieux prenne son bâton de pèlerin comme le fit Jean Monnet en son temps et aille voir les dirigeants de BMW, Mercedes, Audi, Volkswagen, Volvo, Skoda, Peugeot, Seat ou Fiat ?
Comme disait Diogène à Athènes, sur l’Agora, « je cherche un Homme ! ». Un qui posséderait ce profil de fédérateur et d’unioniste autour d’un projet intelligent…
Emmanuel RACINE