Dans quel état d’esprit se trouve le ministre de l’Intérieur ? Prenant le public de la salle des Joinchères de Venoy à témoin – ils étaient près de quatre cents spectateurs militants et autres puisque des visages connus de Reconquête et d’Horizons étaient bien présents parmi l’assistance ! -, Bruno RETAILLEAU a joué avec subtilité et humour la carte de la confidentialité avec le public. Voire de l’intimité en livrant ses ressentis du moment, en sa qualité de candidat à la présidence des Républicains pour l’élection du 17 mai. Et peut-être futur présidentiable pour l’échéance de 2027…
VENOY : La gratitude. Voilà le sentiment qui habite en permanence le locataire de la place Beauvau. Il le dira humblement au fil de ses pensées lors de sa longue intervention de plus d’une heure lundi soir dans ce meeting de campagne interne qu’il réserve aux adhérents des Républicains de l’Yonne : « j’ai beaucoup reçu des miens et de mon pays, il est grand temps de redonner aux autres… ».
Les autres ? Il y a naturellement toutes ces personnes qui composent sa famille politique (Les Républicains) dont l’ancien président du Conseil régional des Pays de Loire et sénateur de Vendée est devenu au fil des ans une indiscutable figure de proue. Au point qu’il brigue désormais la présidence du parti gaulliste qui révèlera son dénouement le 17 avril prochain, face à l’autre poids lourd de la droite présidentiable pour 2027, Laurent WAUQUIEZ, venu en campagne lui aussi dans l’Yonne il y a quelques semaines de cela.
Deux invitations que l’on doit au président des Républicains de notre territoire, un Guillaume LARRIVE très en verve (on l’aura vu sur scène et de retour comme aux plus beaux jours de ses campagnes législatives !) et qui n’a rien perdu de son influence dans les hautes sphères du mouvement gaulliste.
Les autres ? Ce sont les Français dans leur entièreté. Car, au-delà de l’enjeu de la compétition interne qui suscite de l’intérêt parmi les adhérents des Républicains, le ministre du gouvernement BAYROU – cela ne le privera pas de tacler le président de la République avec ironie sur la dissolution (« personne ne l’attendait, peut-être même pas celui qui l’a décidée… ») - se voit bien jouer un rôle de dimension hexagonale et rassembleur au printemps 2027. A la conquête du Graal, symbolisé par l’Elysée.
« Ce sont les autres qui vous font ! »
Alors, Bruno RETAILLEAU éprouve ce besoin d’aller à la rencontre des Français. « Finalement, vous ne me connaissez pas trop, vous m’apercevez dans la lucarne (l’écran de télévision) et je peux vous l’avouer : on ne se fait jamais tout seul, ce sont les autres qui vous font ! ».
D’une part, il y a sa communauté vendéenne dont il revendique les racines profondes. « Elle connaît mes qualités et mes défauts, elle connaît mes échecs et mes succès, je ne peux pas la tromper, ni tricher. Le « petit » RETAILLEAU, elle le connaît ! Cette communauté m’a vu grandir. C’est ça la gratitude…».
Un ministre de l’Intérieur qui se rend redevable auprès des militants du mouvement gaulliste qui ont connu des échecs par le passé et non des moindres lors de la dernière présidentielle. Un argument de poids suffisant pour accepter de jouer les premiers rôles dans l’actuel gouvernement. « C’est pourquoi je n’ai pas envie de vous décevoir… ».
Décevoir ? Il ne les a pas déçu les quatre cents spectateurs réunis bien sagement dans la salle des fêtes locale. Félicitant au passage dès le préambule de son discours, « l’un des atouts pour la France » en sa qualité de juriste, l’ancien député de la première circonscription, Guillaume LARRIVE. Ni les « combattant du devoir » que sont les militants. « Ils doivent devenir des combattants de l’espoir ! Les enjeux de cette élection interne des Républicains peuvent changer le destin de la France. Cette élection peut reconfigurer le paysage politique de la droite… ».
Sa présence dans le gouvernement ? « Si les Républicains n’avaient pas accepté d’intégrer le gouvernement, vous auriez peut-être eu ce soir à ma place face à vous…Mathilde PANO ! (rires de la salle). Vous auriez peut-être eu des gens qui prônent le droit à la paresse comme Sandrine ROUSSEAU ! Vous auriez pu avoir comme ministre des Affaires étrangères Rima HASSAN ! Je le dis avec humour et gravité : vous auriez eu les représentants de l’extrême-gauche au gouvernement… Alors, quand on a l’amour de la France chevillé au corps, on ne se planque pas…».
Une entrée au sein de l’équipe gouvernementale que Bruno RETAILLEAU explique aussi par des promesses faites à lui-même. « La première, vis-à-vis de moi, est de ne pas me trahir. L’autre est vis-à-vis de vous : pour ne pas vous tromper. Pas comme toutes ces femmes et hommes politiques qui une fois installés ministres ont oublié leurs convictions… ».
Les « bobos de la gauche caviar » dans le viseur !
Chantre de la méthode du « parler vrai », le représentant de la Vendée ne veut pas se priver de cela : « c’est être sincère que de dire la vérité aux Français ! C’est pour cela qu’il y a une crise démocratique, on ne dit rien aux Français. On leur cache des choses… ».
Justifiant les polémiques dont il revendique la paternité en disant la vérité (sa vérité), le ministre de l’Intérieur explique que cela lui permet d’alerter ses compatriotes en dépassant le petit microcosme parisien. Celui de la bien-pensance et de l’entre soi.
Comme exemple, Bruno RETAILLEAU cite l’immigration. « J’ai osé dire que l’immigration n’était pas une chance pour la France ! J’ai eu toutes les bonnes consciences sur le dos. Mais, quand vous accueillez 500 000 étrangers par an et que les capacités de la France en termes d’accueil sont totalement saturées, cela n’est pas tenable. Un tiers de ces immigrés vivent sous le seuil de pauvreté, est-ce que l’on peut être fier de ça ? ».
Visant directement la « gauche caviar » et les « bobos » parisiens, l’orateur envoie une nouvelle banderille sous l’écoute attentive d’un public inféodé à sa cause. « Ils disent qu’il faut en accueillir plus : mais eux, avec l’argent, ils ont bâti des frontières invisibles, celles des beaux quartiers, très loin des désordres migratoires. Mais, ce sont les mêmes qui subissent, ceux d’en bas… ».
Le voile arriva ensuite sur le tapis. « J’ai co-signé une proposition de loi pour interdire le port du voile dans les compétitions sportives. Révolte des bonnes consciences ! Mais, pour moi, le voile ce n’est pas la marque de la liberté, mais c’est la marque de la soumission et de l’infériorisation de la femme par rapport aux hommes… ».
S’en référant aux figures historiques de la gauche (Elisabeth BADINTER, Gisèle HALIMI) qui poussaient des cris d’orfraie sur le port du voile, Bruno RETAILLAU s’interroge : « mais qu’est devenue la gauche ? Elle portait à l’époque très haute les valeurs de la laïcité. Nous sommes désormais les seuls défenseurs de la laïcité… ».
Visant l’islamisme radical qui veut imposer la charia dans l’Hexagone, le ministre de l’Intérieur fustige cette idéologie qui place le Coran au-dessus de la constitution. « Pour nous, c’est la loi républicaine qui se situe au-dessus de tout ! C’est ce modèle-là qu’il nous faut préserver. Nous ne voulons pas de l’idéologie du tchador et du voile… ».
Du voile à l’Algérie, il n’y avait qu’un pas, allègrement franchi par le candidat des Républicains. « J’ai assumé que l’on devait imposer un rapport de force. On tend la main à Alger mais pour quel résultat. Mon obsession, c’est la sécurité des Français et je ne veux pas d’un deuxième Mulhouse… ». Il fait allusion à un tragique fait divers ayant la coûté la vie à un ressortissant portugais.
« A 14 reprises, on a essayé de le faire partir vers l’Algérie, cela a toujours été refusé : si l’Algérie avait respecté le droit, notre compatriote serait encore en vie… ».
Il appelle également à la libération de Boualem SANSAL.
« L’état de droit, beaucoup en parlent, pour qu’on ne fasse rien au niveau du cadre juridique, mais ils le font dans un cadre idéologique, ce qui n’est pas la même chose… ».
Réduire les charges de l’Etat français
Il fustige une fois de plus la gauche qu’il juge « archaïque, voire sectaire ». Il se veut le rassembleur des Français, sur une « politique de bon sens ». « Les demi-mesures en achetant la paix sociale avec des chèques c’est terminé : la fête est terminée, ajoute-t-il, le seul moyen sera la rupture et le courage. En premier lieu, avec les mensonges de la gauche socialiste, notamment que la dépense publique faisait la croissance et la qualité des services publics. Est-ce que nos services publics sont à la hauteur aujourd’hui ?! ».
Un autre « mensonge » concerne le travail. « Travaillez moins et vous vous porterez mieux ! Cela a beaucoup coûté à la France par un appauvrissement collectif et individuel. Nous sommes devenus dépendants des pays étrangers qui gèrent notre dette… ».
Les 35 heures sont ensuite décortiquées à la loupe. « C’est la smicardisation de la France et cela a concerné plus d’un million de nos concitoyens. Nous devons être le parti du travail, le valoriser et nous allons proposer de créer une allocation sociale unique pour que l’assistanat ne domine pas la valeur travail… ».
Une France où les seniors sont au chômage et les jeunes peinent à trouver de l’emploi. « C’est ceux qui bossent en France qui portent tout le système social : il faut alléger les charges et réduire celles de l’Etat ! L’Etat fait un plan vélo, est-ce que l’on a besoin de ça ?! Ce n’est pas normal qu’il y ait des doublons dans l’administration. Il existe 1 200 agences étatiques qui engloutissent près de 80 milliards d’euros annuels pour leur fonctionnement. Il faudra réaliser des économies là-dessus… ».
Un Bruno RETAILLEAU déterminé à revoir la « copy-stratégie » de la France en pratiquant la rupture, y compris dans l’éducation nationale. « La France est une société bloquée : il faut six générations pour s’élever au plus haut de l’échelle. Il faudra refaire des enseignants, non pas avec des masters, mais avec un savoir à transmettre aux élèves. Il faudra des écoles normales professionnelles à l’avenir, avec l’apprentissage… Les moins expérimentés des enseignants sont nommés dans les secteurs éducatifs les plus complexes ! ».
Il y eu aussi un couplet sur l’Europe : « bien sûr, il faut se réarmer contre les menaces de demain en achetant du matériel européen ; mais le réarmement est avant tout mental. Quant à « l’impossibillisme », il faut rompre avec cette doctrine où tout est impossible en France ! Il nous faudra changer l’article 11 pour que les Français puissent trancher grâce au référendum. Quand les Français tranchent, le Conseil constitutionnel se retire ! C’est cela qu’il faudra faire… ».
Pour conclure, Bruno RETAILLEAU évoquera la justice applicable aux mineurs, avec des textes de loi datant de…1945 ! « On considère que les mineurs, il ne faut pas les emprisonner, ils ont un sentiment d’impunité, ce qui explique la hausse des narcotrafiquants. Il faudra des prisons de courte peine pour les mineurs à l’instar des Pays-Bas : il faudra revoir la politique pénale pour tous, y compris celle réservée aux mineurs… ».
Reste au pensionnaire de Beauvau de remporter l’élection interne le 17 mai prochain, chez les Républicains. « Jamais, je ne critiquerai le projet de l’autre candidat (Laurent WAUQUIEZ) et favoriser la guerre des chefs dans les médias : c’est une élection interne que vous seuls, les adhérents, choisirez en reformant un grand parti moderne et populaire où tout le monde pourra se retrouver selon le principe de la démocratie… ».
Un parti patriote, par définition, et provincial, moins inféodé au parisianisme ambiant. Telle est la vision de Bruno RETAILLEAU sur l’avenir des Républicains. Une vision détaillée qui précédera une « Marseillaise » reprise par la salle avec enthousiasme…
Thierry BRET