On nous l’aurait donc changé ?! Un peu moins de cinquante minutes d’intervention, chrono en main, pour un exercice oratoire que le député de la deuxième circonscription aura maîtrisé à la perfection ! Soit la prise de parole en public ! Devant une salle comble, celle de la salle des fêtes de Nitry, remplie comme un œuf, pour la circonstance, en cette période de campagne électorale. Une allocution, certes, un peu plus courte que d’habitude mais tout aussi virulente que d’ordinaire avec les mots qui font tilt, dès qu’il s’agit de tacler les partis des extrêmes et leurs poncifs habituels autour de la sécurité, de l’immigration, de la baisse de la TVA, de l’écologie punitive…
NITRY : La veste est posée négligemment à même l’estrade de la salle des fêtes. Portant une chemise d’un léger bleu ciel (couleur « Horizons » ?!), l’allure très décontractée et le sourire aux lèvres, le député de la majorité présidentielle sortant, navigue d’un côté à l’autre de l’espace qui se remplit à vue d’œil, saluant au passage toutes celles et tous ceux qu’il croise sur son chemin. Un petit mot destiné à celui-ci, une accolade accordée à celui-là, la bise claquée à cette militante, André VILLIERS se meut ici comme un poisson dans l’eau, dans l’espèce de grand « aquarium » à l’eau tempérée dont il connaît le moindre recoin et la moindre chaise, depuis qu’il y tient ses réunions publiques. Un processus de communication bien rôdé depuis des lustres, déjà.
Sa suppléante, Dorothée MOREAU, toute en charme, en sourire, à la vêture agréable aux motifs un brin printanier, lui emboîte le pas. L’édile de Bassou a pris goût à cette fonction ; elle n’a pas hésité à postuler auprès de son mentor afin de renouveler son bail et poursuivre ainsi l’aventure, soutenant le programme du député agriculteur de l’Yonne méridionale.
On note parmi les premiers rangs de ce public de fans, outre la loquace maire de Nitry, Jacqueline PERRET, la présence de la sénatrice UDI Dominique VERIEN. Fidèle d’entre les fidèles en termes de soutien indéfectible !
André VILLIERS/Dominique VERIEN : un sacré tandem qui fit les beaux jours il n’y a pas si longtemps encore du mouvement des démocrates de l’UDI ! Mais, ça, comme le paraphraserait si bien Alain DELON, c’était avant !
Une crise politique ? Que nenni, une crise de régime !
Depuis, le toujours sémillant André (« Dédé ») pour ses aficionados et intimes qui suivent sa carrière politique dont il retracera par ailleurs les moindres détails pour les béotiens présents à cette réunion publique, a opté pour une toute autre formation que l’UDI, « Horizons », le mouvement lancé par l’ancien Premier ministre Edouard PHILIPPE. Nettement en froid ces temps-ci avec le chef de l’Etat Emmanuel MACRON depuis l’annonce de ce dernier de la très surprenante et étrange dissolution qui arrive au plus mauvais moment pour la majorité présidentielle et l’exécutif élyséen, juste après la débâcle des européennes.
Une dissolution de l’Assemblée Nationale que le candidat en campagne ne comprend pas lui-même. « C’est l’incompréhension pour les Français après cette annonce, explique André VILLIERS, le micro à la main, face à l’auditoire mais pas sur l’estrade, mais le pire est devant nous si nos concitoyens choisissent une autre voie que la nôtre. Si l’on n’y prend pas garde, ce sera une catastrophe institutionnelle, voire une crise de régime que nous vivrons après le 07 juillet au soir… ».
Un tableau apocalyptique de la situation…
Des propos alarmistes que le député sortant étaie d’exemples : la bourse qui dévisse (le CAC 40 a déjà perdu ses gains engrangés depuis le début de l’année en très peu de temps), la hausse des taux d’intérêt qui affole les marchés et les ménages, le risque d’être décoté par les agences de notation internationales faisant fuir les investisseurs, une économie de moins en moins concurrentielle au niveau mondial, une inflation de nouveau galopante, bref, une vision très « Apocalypse Now », si l’un des deux blocs extrêmes prend les rênes du pays au soir du très attendu jour dominical du 07 juillet.
A propos du Rassemblement National, André VILLIERS est on ne peut plus catégorique dans ses attaques contre le parti bleu marine : « nous ne voulons pas revoir avec la montée des populismes ce que l’on a déjà vécu il y a 85 ans lors de la prise du pouvoir par l’extrême-droite et le gouvernement de Vichy… ».
Atmosphère refroidie parmi l’assistance qui est composée de nombreuses têtes aux « cheveux blancs ». Certains se remémorant peut-être les affres du régime vichyssois. L’un d’entre eux, plutôt fringuant, n’hésitera pas à se saisir du micro au terme de ce discours pour témoigner à son tour, à l’âge de 88 ans, contre les risques des populismes, de gauche comme de droite, en France.
L’Yonne a-t-elle de quoi s’inquiéter ? « Oui, affirme péremptoire André VILLIERS qui se veut convaincant auprès de ses ouailles, en 2015, lors de l’élection départementale, sur vingt-et-un cantons, vingt voyaient la présence d’un binôme du RN qualifié au second tour avec plus de 30 % des suffrages… ».
Que les Français prennent réellement leur responsabilité
Dans ce lancer de banderilles verbales qui lui sert de défouloir, le parlementaire du centre droit va choisir ensuite comme cible alléchante la famille LE PEN. « Ce n’est plus une fratrie mais c’est un jeu des sept familles chez eux, ironise André VILLIERS, la moustache frétillante, citant les prénoms des membres du clan qui opèrent au sein de la formation souverainiste quand ce n’est pas chez Reconquête !
Toutefois, le député Horizons veut tendre la main à cet électorat. Celui qui représente aujourd’hui plus de 40 % des suffrages dans l’Yonne, voire davantage dans certaines communes. Non pas pour qu’il persiste et signe dans cette voie de la radicalisation mais plutôt pour les convaincre de ne pas céder aux hypothétiques chants des sirènes. Et leurs lots de déconvenues.
« J’en appelle à la responsabilité de tous les citoyens, insiste André VILLIERS, à leur conscience afin d’éviter à la France d’aller se fracasser tout droit dans le mur de l’intolérance et de la dette ! Dire « on ne les a pas encore essayés » ne vaut rien quand on analyse les risques encourus en cas d’élection ».
Des salves qui font mouche parmi une assistance toute acquise à la cause de l’élu icaunais. Puis, s’attardant davantage sur la deuxième circonscription et sa configuration en termes de prétendants à la fonction parlementaire, André VILLIERS s’insurgea contre la candidature de Sophie-Laurence ROY.
Une candidate, fraîchement investie, pur produit des Républicains qui s’inscrit désormais dans la nouvelle ligne « unioniste » voulue par Eric CIOTTI, adoubée par le Rassemblement National sous le sceau de ce rapprochement, refusé par les ténors du parti gaulliste.
« La honte ne se cache même plus pour avancer, lancera à la cantonade un André VILLIERS véhément et applaudi, cette candidature est à…vomir ! ».
Que les adversaires de LFI se rassurent, l’orateur du soir n’aura pas omis de balancer quelques saillies vindicatives, de véritables flèches empoisonnées envers les partisans et soutiens de Jean-Luc MELENCHON.
« Mais comment les socialistes peuvent-ils se reconnaître dans ce Nouveau Front Populaire ?, s’interroge goguenard André VILLIERS, c’est Léon BLUM qui doit se retourner dans sa tombe ! ».
Bref, si le discours fut nettement moins long que d’ordinaire de la part de l’ancien président du Conseil départemental – Dorothée MOREAU nous l’avait promis en amont mettant en exergue une touche de modernité dans la présentation de la soirée avec l’emploi de clips vidéo -, il en conserva néanmoins toute sa saveur sémantique pour son auditoire qui buvait ainsi du petit lait (pour un agriculteur, c’est plutôt réconfortant !) à l’écoute de ses propos mobilisateurs et de sa causticité flagrante ciblant les partis adverses. Un André VILLIERS en forme olympique ?
Thierry BRET