La transmission structure notre identité dès les premiers jours de la vie et même dès la gestation. L’histoire familiale transmise à un petit permet de développer un sentiment d’appartenance et un modèle de relations sociales. Le problème avec les enfants, c’est qu’on ne sait jamais ce qui est transmis et comment c’est reçu !
TRIBUNE : C’est vrai également pour la transmission génétique : on ignore ce qui est transmis comme ce que le corps du receveur en fera… La transmission familiale peut être positive mais peut aussi induire ce que les « psy » appellent « des loyautés sclérosantes ». Répondre à la demande implicite de ses parents, c’est parfois réparer le passé ou porter un secret de famille. Lire « Aïe, mes aïeux » d’Anne-Ancelin SCHUTZENBERGER : elle partage, à travers son analyse clinique et sa pratique professionnelle de près d'une vingtaine d'années, une thérapie « transgénérationnelle » et psycho-généalogique contextuelle.
L’inconscient familial se transmet via les émotions, en dehors des mots, et peut entraîner des conséquences sur plusieurs générations. Il faut chercher du côté de l’inconscient et comprendre ce que l’on porte du passé de la famille. La transmission vit aussi dans les émotions et l’inconscient ! La transmission peut être toxique ou encombrante comme dans le cas des survivants de la Shoah. Ceux qui ont fait silence de leur histoire afin de protéger leurs enfants se trompent : il est essentiel d’oser se libérer de cet héritage…
La transmission des biens matériels
L’héritage fait aussi partie de la transmission. Hélas, trop souvent l’unité familiale explose au moment du décès des parents. L’erreur la plus fréquente commise par les anciens : ne rien dire. La fratrie découvre chez le notaire les données de l’héritage. Lorsque les parents transmettent oralement les données de l’héritage, les dispositions sont rarement contestées au moment du décès. Les notaires sont unanimes sur ce point.
Chez les aristocrates, il existe un aspect à souligner : ils n’ont pas le sentiment de propriété. Ils sont les gérants d’un domaine afin de le transmettre, si possible amélioré, aux nouvelles générations. Dans ce cas, la transmission vise essentiellement l’histoire de la famille, qui parfois recoupe l’histoire de France !
La transmission chez les Compagnons du Devoir
Pour un compagnon, la transmission ne s’explique pas, elle se vit. C’est l’expérience qui est mise en avant : on apprend en faisant, sans même s’en rendre compte. Le jeune apprenti sera plongé dans une dynamique qui doit l’aider, non pas à comprendre mais plutôt à prendre conscience. La prise de conscience passant par l’expérience et la transmission orale des maîtres. Au-delà des rites et des légendes, des symboles, des valeurs, d’une culture et d’une identité forte, le compagnonnage du Devoir présente de nombreuses spécificités : la présentation des outils les plus sophistiqués (logiciels, IA, Internet…), transmission de l’expérience par le témoignage écrit, visuel et oral. Intégrer une formation, c’est jouer sur tous les registres possibles : l’ouï, la vue, le toucher, l’odorat et parfois le goût. Certains initiés, en signe de reconnaissance précisent : « je ne sais ni lire, ni écrire », à méditer…
Pour conclure
La transmission est vitale et nécessaire à la structuration d’une société et même d’une civilisation. On ne peut pas rester figer sur la seule transmission orale, mais cette dernière sera pertinente pour le passage de témoin de l’expérience et des savoir-être.
L’IA, importante pour notre évolution scientifique ne doit pas supprimer l’émotion de la transmission, il y va de notre survie. Si j’en crois l’Ecclésiaste (un des livres du « Pentateuque »), tout est vanité, on ne transmet rien sauf l’amour… A ne pas lire quand on est déprimé !
« Ce que l’on ne met pas en mots, s’imprime – et s’exprime par des maux ». Anne-Ancelin Schützenberger.
Paul GUILLON