Le délabrement. Pour ne pas dire plus. Qu’en sera-t-il exactement d’ici une dizaine, voire une vingtaine d’années ? L’édifice se sera-t-il totalement effondré sur lui-même ? Drôle de fin, plutôt pitoyable, pour un bâtiment religieux, laissé à l’abandon et aux courants d’air depuis des années ! A l’heure où le patrimoine est pourtant mis en exergue par bon nombre d’émissions télévisuelles – pour mémoire celles animées par Stéphane BERN – et que de célèbres fondations agissent à sa préservation. Une structure associative locale, « Sens Patrimoine », a pourtant décidé de relever la tête en prenant une initiative : une requête auprès du Tribunal administratif de Dijon, pour que les choses évoluent. Enfin ?
SENS : C’est une page d’histoire de la capitale des Sénons « qu’on assassine » ! La sous-préfecture de l’Yonne septentrionale qui s’enorgueillit de posséder des trésors architecturaux de toute beauté, attirant bon nombre de touristes – c’est vrai ! – est au centre d’une affaire discrète dont les tenants et aboutissants vont pourtant être jugés d’ici une quinzaine de jours par le Tribunal administratif de Dijon, après le dépôt il y a peu d’une requête déposée par la structure associative « Sens Patrimoine ».
Une affaire se rapportant à l’un des édifices religieux de la ville, classé monument historique une première fois en 1862, puis à nouveau le 24 octobre 1990. Une référence patrimoniale, chère à Prosper MERIMEE, l’auteur de « Colomba » qui doit aujourd’hui faire des pirouettes dans sa tombe au vu de l’énormité de la chose !
Pourquoi ? Parce que ce haut lieu chargé d’histoire, une chapelle honorant Saint-Jean l’Evangéliste, érigée au cœur d’une ancienne abbaye, datant de l’an 500 n’est plus que l’ombre d’elle-même, périclitant d’année en année dans un état lamentable, au point de se fissurer de toute part et au risque tôt ou tard de s’écrouler avec perte et fracas, du fait des effets de la corrosion imputable aux aléas climatiques si l’on n’y prête pas attention ! Ce qui est le cas, depuis belle lurette…
Précisons que cette chapelle est située dans l’enceinte de l’ancien Hôtel-Dieu de la ville alors que les spécialistes attestent de sa grande valeur historique et architecturale, un lieu ayant servi à accueillir les malades pendant des siècles…
Un recours contre le Centre hospitalier de Sens propriétaire des lieux
Il y a quelques jours, deux des responsables de l’association de protection patrimoniale, « Sens Patrimoine », Mkrtitch MARTIROSSYAN, son président, et Ilyess ZIDANI, vice-président, ont déposé une requête auprès du Tribunal administratif de Dijon, pour faire reconnaître la responsabilité du Centre hospitalier de Sens dans la négligence et l’abandon de ladite chapelle, livrée désormais à son triste sort : celui de l’oubli et de la désolation éternelle.
Une requête faisant office également d’injonction envers l’établissement sanitaire qui est le propriétaire légal de la chapelle et à ce titre, responsable de son entretien et de sa garde. En terme clair, « Sens Patrimoine » exige que le Centre hospitalier prenne les mesures nécessaires à la sauvegarde et à la conversation du site patrimonial, notamment des travaux d’urgence afin de prévenir l’effondrement imminent de cette chapelle en piteux état. Tout cela dans le respect de l’article L 621-9 du Code du Patrimoine.
La réalisation de travaux d’urgence pour stabiliser l’édifice
Ce n’est pas la première fois que la chapelle Saint-Jean, et plus généralement, l’ancien Hôtel-Dieu de Sens, sont au cœur de l’actualité. Déjà dans les années 2000, plusieurs rapports rédigés par les services de la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) de Bourgogne Franche-Comté alertaient sur l'état critique de cet édifice. Il en ressortira que rien ne fut entrepris pour modifier l’inexorable dégradation du site.
Aujourd’hui, lorsque l’on se promène sur les lieux, on observe que les vitraux sont brisés, les fissures extérieures et intérieures s’élargissent sous les effets de la météo, que la présence de la végétation ayant poussé sur les murs apporte certes un peu de couleur verdâtre à l’ensemble mais traduit tout bonnement une dégradation très avancée ! Ne parlons pas des horribles bâches artisanales de plastique, posées çà et là, inefficaces et inadéquates, moches de surcroît…
Que veut précisément l’association « Sens Patrimoine » sur ce dossier ? Réponse de son président, joint au téléphone : « La responsabilité du Centre hospitalier de Sens dans la dégradation de la chapelle Saint-Jean doit être reconnue en raison de son inaction fautive, déclare M. MARTIROSSYAN, il est donc demandé au tribunal de Côte d’Or d’ordonner à l’établissement sanitaire de prendre toutes les mesures nécessaires à la conservation et à la sauvegarde de la chapelle. En réalisant les travaux d’urgence afin de stabiliser l’édifice et surtout d’élaborer un programme de restauration complet dans un délai imparti… ».
Toutefois, quand on connaît la situation le plus souvent déficitaire des centres hospitaliers en France, on ne sait pas encore quelle suite pourrait être donnée si le tribunal administratif de Dijon venait à trancher en faveur de la requête de l’association. En tout cas, le verdict devrait être rendu sous une quinzaine de jours, dans le meilleur des cas ! A suivre…
Thierry BRET