L’intitulé de l’exposition, présente à l’Espace culturel de Gurgy, a été une source d’inspiration du regretté Alain BASHUNG. « Madame Rêve ». Et ses paroles si envoûtantes, au phrasé érotique qui évoquent dans une sorte de lancinance répétitive l’art du plaisir en solitaire en version féminine. Une ode à la masturbation et à la libération de la femme, datant de 1991, extrait de son album, « Osez Joséphine ». De l’érotisme à peine voilé, il y en a aussi dans le travail original et intense, fruit de longs mois de réflexion, de la plasticienne franco-suédoise, Catherine RYMARSKI. « Des songes de nuits d’été » qui se muent en expériences troublantes et intimes où une quarantaine de femmes racontent sans pudeur par le son, l’image et l’écrit leurs rêves. Des plus étranges aux plus charnels…
GURGY; « Madame rêve d’archipels, de vagues perpétuelles, sismiques et sensuelles… ». Les puristes de la chanson française auront sans nul doute reconnu les paroles de l’un des tubes de ce trublion hexagonal, Alain BASHUNG, en digne héritier d’un certain Serge GAINSBOURG. Le rêve et son importance. Le rêve et sa signification. Le rêve, dont on n’ose parler parce que parfois trop libidineux. Le rêve, dont l’humain se nourrit toutes les nuits. Et qui le rend plus fort le jour venu…
L’intime, le désir, l’amour, mais aussi la peur, les doutes, le cauchemar, la mort. Autant de sujets disparates mais effleurés de la même manière dans la nouvelle création originale de l’artiste plasticienne Catherine RYMARSKI. Une exposition se situant aux antipodes de ce qu’elle a pu nous présenter à date. Comme une aurore boréale, signe distinctif de ses origines scandinaves, qui serait visible (et c’est de plus en plus le cas à présent) dans notre ciel étoilé.
Un « bed-in » comme à la grande époque…
Le décor est pour le moins curieux. Les fidèles de l’espace culturel local n’ont guère l’habitude de voir des matelas posés à même le sol à cet endroit, placés sous des mobiles qui bougent avec lenteur et qui représentent des étoiles. On dirait l’un de ses fameux « bed-in » comme à la grande époque où Yoko ONO et John LENNON s’allongeaient en pyjamas rayés ou dans leur plus simple appareil pour protester contre les ravages de la guerre dans le monde, et plus particulièrement celle du Vietnam à la fin des années 60, dans les palaces de Toronto ou d’Amsterdam.
« War is over » et « Peace and love ». Mais, point de rock-stars allongés sur les matelas à Gurgy. Seules, deux dames d’un certain âge viennent tenter l’aventure si particulière. Ecouter dans la posture la plus optimale sur le sol et de manière confortable les histoires oniriques d’une quarantaine de femmes, toutes rencontrées par l’artiste, et qui se sont livrées sans fard et sans pudeur pour permettre ce narratif de leur intimité nocturne. Des rêves uniques, incroyables, troublants, vivants. Plein de fraîcheur et de richesses émotionnelles.
Un procédé datant de 1842 comme source d’expression
Cette exposition se dévoile sous forme de triptyque. Il y a les tableaux où le regard se pose instantanément. Des clichés aux coloris si étrange, façon sépia mais d’un bleu à la douceur extrême. Des femmes, jeunes et plus âgées, en phase de sommeil profond qui se sont prêtées au jeu de la prise de vue photographique. L’artiste a su les convaincre de les immortaliser dans ces moments bienfaiteurs, le repos de la « guerrière ». Les clichés ont ensuite été travaillés par Catherine RYMASRKI selon les principes de la procédure « cyanotype ». Explication de la créatrice.
« C’est un procédé photographique en monochrome négatif ancien, souligne-t-elle, par ce biais, on obtient un tirage photographique bleu de cyan, d’où cette appellation technique… ».
Un procédé qui ne date pas d’hier puisque imaginé en 1842 par un scientifique britannique, John Frédéric HERSCHEL, qui avait aussi le particularisme d’être un fervent pratiquant de l’astronomie. Une histoire de ciel qui se conjugue à merveille avec le monde de l’onirisme.
Deuxième temps fort, la lecture. Sous chaque pièce soumise à la sagacité des observateurs, est accrochée une enveloppe. A l’intérieur, le songe du portrait dédié dont on peut lire la moindre signification à travers les mots. Le texte est court, parfois poétique, mais livre des ressentis. Puis, et ce sera le troisième axe sensoriel qui nous est proposés là, l’écoute du rêve par écouteurs interposés. La bande-son peut être susurrée, chuchotée, parlée. On peut ainsi déambuler à travers la salle, avec son casque rivé sur les oreilles et s’imprégner de chacun des mots qui peuvent soigner les nôtres. Curieuses sensations qui permettent le lâcher-prise intégral.
Un sacré voyage anthropologique dont on ne sort pas indemne aux côtés de ces « Dormeuses du val » que n’auraient nullement renié Arthur RIMBAUD…
En savoir plus
Exposition « Madame Rêve » de Catherine RYMARSKI
Espace culturel de Gurgy
Jusqu’au 27 octobre 2024
Entrée libre
Ouverture du le mercredi, samedi et dimanche de 14 à 18 heures.
Thierry BRET