Impossible de ne pas la voir ! La banderole en version verticale est positionnée sur une cimaise accrochée à l’un des murs qui surplombe la tribune officielle du Conseil départemental de l’Yonne. Elle est suffisamment grande pour que chacune et chacun des personnes présentes au sein de l’hémicycle de La Pyramide puisse la lire, sans l’ombre d’une difficulté. Une facture ! Et pas n’importe laquelle, au demeurant ! Celle des impayés de l’Etat vis-à-vis de l’Yonne et de ses habitants ! Une facture en mode grandeur nature que les élus du Département souhaitent bien faire payer à l’Etat !
AUXERRE : Expéditeur de ce fac-similé géant représentant une facture à adresser aux hautes sphères de l’Etat : le Conseil départemental de l’Yonne. Destinataire dudit document : un certain Emmanuel MACRON, président de la République française et locataire de l’Elysée !
Suspendu aux regards de tous, élus comme journalistes ou public pouvant assister librement aux sessions plénières de la vénérable institution le vendredi matin, le calicot fait souffler un vent de révolte (pour ne pas dire plus) dans la salle des délibérations de la Pyramide auxerroise, lieu où se réunissent régulièrement les élus départementaux en séance de travail.
Si l’idée de placarder un tel pavé dans la mare a été, bien entendu, adoubée par le président de l’exécutif départemental, Grégory DORTE (on connaît son humour parfois détonnant !), elle n’aurait pas déplu à feu Patrick GENDRAUD, le regretté président de l’appareil décisionnaire de l’Yonne, qui aurait salué totalement l’initiative.
Un geste symbolique montrant l’exaspération des élus du territoire
Trop, c’est trop ! Alors que les coupes sombres budgétaires s’élèvent cette année à 21 millions d’euros – un budget très délicat à boucler mais qui in fine sera voté à la quasi-unanimité sauf trois voix abstentionnistes mais qui fera du reste des victimes dans les milieux des écoles de musique, théâtre et danse portées par les EPCI et communes de l’Yonne, les subventions départementales aux associations culturelles étant préservées quasi intégralement -, du fait des efforts à fournir pour redresser la barre de l’Etat en tentant de combler un déficit des dépenses publiques qui avoisine désormais les 3 500 milliards d’euros (la stratosphère !), le Département icaunais réclame son dû à l’Etat !
Une facture d’impayés qui s’élève bon an mal à plus de…70 millions d’euros pour la seule année 2024 ! Certes, le geste se veut symbolique et visuel. Il est rare au sein de l’hémicycle où rien n’est accroché d’ordinaire aux cimaises placées çà et là sur les murs. Mais, il a le mérite d’exister et de faire parler de lui (la preuve), surtout le jour du vote du budget primitif pour cette bien compliquée année 2025. Preuve que les élus territoriaux sont exaspérés par tout ce qui les entoure et éprouvent une certaine répulsion à devenir au fil des années les dindons de la farce étatique, devenant la vache à lait d’un système hexagonal qui vit très largement au-dessus de ses moyens…sans réellement procéder à des économies.
Qui paie ses dettes s’enrichit ! La bonne solution de l’Etat français ?!
Alors, au-delà des chiffres qui apparaissent en couleur de sang sur le document, on lira d’un œil scrutateur que 2,9 millions d’euros ont été perdus en 2024 par le Département au niveau des recettes du fait du remplacement de la taxe sur le foncier bâti par de la TVA ; que 18,9 millions d’euros de mesures financières sont imposées par l’Etat, que 51,2 millions d’euros correspondent aux sous-compensations des allocations de solidarité dont les 27 millions d’euros du RSA, les 15,8 millions de l’APA (autonomie aux personnes dépendantes) et 8,4 millions d’euros pour les personnes atteintes de handicap (PCH). Sachant comme le stipule cette affiche placardée sur les murs que les factures en attente de règlement (symbolique) pour 2025 s’élèvent déjà à 2,8 millions d’euros.
Un ras-le-bol qui a trouvé sa place sur un calicot lisible aux yeux de tous, y compris de quelques confrères médiatiques de la presse nationale, présents dans la salle ce vendredi, qui n’auront pas manqué de prendre sur toutes les coutures l’objet du « délit institutionnel ». Et comme dirait le vieil adage ; qui paie ses dettes s’enrichit, une maxime dont pourrait s’honorer l’Etat français, non ?!
Thierry BRET