C’est un vent de colère qui a soufflé sur la 16ème édition de « Cité 89 ». Si le thème retenu cette année, « l’Yonne de demain » se voulait résolument tourner vers l’avenir, les visiteurs habituels du salon, que sont les maires, élus et autres responsables des collectivités territoriales, avaient surtout en tête l’actualité présente, à savoir, la baisse annoncée de 16 millions d’euros dans l’enveloppe budgétaire départementale. Conséquence des sept milliards d’euros d’économies envisagés dans le cadre du projet de loi de finances 2025 proposé par le gouvernement BARNIER. Une décision qui en a fait « tousser » plus d’un, à commencer par le premier vice-président du Conseil départemental, Grégory DORTE, dont les propos virulents ont résonné à la manière d’un signal d’alarme…
AUXERRE : « L’heure est grave Grégory, la maison France brûle… ». Des propos du président Patrick GENDRAUD, absent pour raison de santé, dont le premier vice-président de l’instance départementale, Grégory DORTE, s’est largement fait l’écho à l’heure des discours inauguraux : « après nous avoir tondu à blanc, l’Etat nous cherche encore de la laine sur le dos mais de la laine, nous n’en avons plus du tout ! ».
Peu amène dans son intervention à l’égard du gouvernement en place, le maire de Pont-sur-Yonne a ironisé sur le montant des économies demandées : « trente, quarante, soixante milliards… ? Nous avons l’impression qu’on joue avec des milliards comme avec des cacahuètes ! ».
Les départements ne sont pas responsables de ce naufrage
Rhabillant au passage, (mais il est vrai qu’à Lausanne, les hivers sont rudes !), l’ancien ministre de l’Economie et des Finances, Bruno LE MAIRE, recordman de longévité à un tel poste : « à quel moment, en sept ans d’exercice, est-on arrivé à un tel naufrage ? L’iceberg, puisqu’il est question de gel, n’est pas apparu soudainement ni même après une dissolution désastreuse pour notre pays. Et ce serait à nous, collectivités trompées, de payer la chambre ! ».
Grégory DORTE a rappelé également qu’en matière d’économies, le département avait depuis longtemps fait sa part en matière de redressement des finances publiques, avec un désendettement de 115 millions d’euros sur sept ans, alors même qu’il devait faire face à une hausse explosive des dépenses sociales liées à l’autonomie, l’insertion, le handicap ou à la politique de l’enfance. Face à cette dette abyssale annoncée, de 3 200 milliards d’euros, soit 114 % du PIB, à chacun de prendre ses responsabilités : « la dette, c’est l’Etat qui la porte, c’est sa gestion ! Nous tous, communes, collectivités, ne cumulons « que » 150 milliards d’endettement, dont une part ne nous appartient même pas. Que l’on ne vienne pas nous dire que nous sommes seuls responsables de ce naufrage ! ».
Différer les travaux dans les communes en attendant mieux ?
Maire de Gron, Stéphane PERENNES est un familier du rendez-vous biennal qu’est « Cité 89 ». L’ancien directeur de MFR, aujourd’hui responsable de l’association « Mobil’éco », apprécie notamment les valeurs de solidarité que l’on peut y trouver, face aux difficultés voire parfois, à la solitude qu’un élu peut rencontrer le temps de son mandat : « l’on y rencontre une véritable notion de cohésion et d’unité des maires présents. On se croise parfois sur le territoire, que ce soit à la Communauté de communes ou d’agglo, mais sans cet effet de groupe comme ici. Une notion de solidarité d’autant plus importante face à l’inquiétude partagée et l’on se dit qu’il va peut-être falloir se serrer les coudes… ».
Lui aussi se refuse à voir les maires porter le chapeau : « on ne peut pas tout nous mettre sur le dos et surtout pas, sur le dos des gens qui essaient de faire tourner le territoire et en sont les acteurs de terrain, tout ça pour sauver la mise… ».
Inquiet du climat anxiogène et des interrogations portées par les citoyens, « on est à la croisée de quelque chose et l’on a intérêt à ne pas oublier les personnes qui souffrent aussi… ».
Avec l’obligation, compte tenu du contexte économique, à remiser à plus tard certains travaux : « on a des projets de territoire qui sont différés sur 2026, 2027 si ça va mieux, ce qui veut dire aussi que les entreprises devront attendre pour avoir les marchés… ».
Des présences insolites sur les stands mais ô combien nécessaires
Le temps d’une journée, « Cité 89 » est aussi l’occasion pour nombre d’élus ou d’agents territoriaux de trouver réponse à leurs diverses problématiques. Une centaine d’exposants étaient présents à cet effet, parmi lesquels nombre d’acteurs économiques ou institutionnels, que ce soit en matière de finance, d’environnement, de travaux urbains, d’établissement public ou encore, de culture et de santé.
Pour sa première participation, Agathe DEILLER a bien du mal à faire s’arrêter sur son stand les visiteurs, peut-être interloqués par la présence d’un atelier optique en pareil lieu… Forte d’un parcours professionnel d’une dizaine d’années, la jeune opticienne a pourtant créé un concept pouvant intéresser les maires de communes souvent bien isolées dans leur désert médical : « je leur propose des animations gratuites de sensibilisation à la santé visuelle à l’attention de leurs administrés. J’ai pu constater que nombre de personnes arrivant en établissement, n’ont pas vu d’ophtalmologiste depuis dix ans, parfois quinze ans, faute d’un manque de professionnels sur le territoire. Des pathologies jamais traitées ou trop tard, pouvant conduire à la cécité… ».
Un travail en amont prenant toute son importance quand on sait qu’une mauvaise vue engendre deux fois plus de chutes, favorise l’isolement, la perte d’appétit avec le risque, à terme, d’une arrivée en EHPAD plus rapide. Un sujet ô combien sensible pour le département, baisse des financements oblige… !
Dominique BERNERD