Tribune : le Moyen-Orient face à son destin entre un De GAULLE prophétique et le désir du vivre ensemble…
Au lendemain de la guerre des « Six jours » (du 5 au 10 juin 1967), le Général de GAULLE s’exprimait sur le conflit israélo-palestinien en donnant la position de la France à cet égard, le rapport à l’Etat israélien et les conséquences probables de cette guerre. Le blocage du golfe d’Aqaba constituait un prétexte pour Israël afin d’ouvrir les hostilités contre la coalition arabe. La guerre s’ouvrit sur une alliance entre l’Egypte, la Syrie, l’Irak et la Jordanie. Elle se termina pour Israël par l’annexion du plateau du Golan, de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Il est saisissant de voir comment le Général de GAULLE avait analysé la situation, projetant les conséquences du conflit, la condamnation de la France de l’action israélienne et les seules possibilités de règlement du conflit.
TRIBUNE : Individuellement, comme collectivement, nous avons toujours montré que nous sommes bien incapables de tirer les leçons de l’Histoire. Pour les plus jeunes d’entre nous, campons le décor. La conférence de presse se déroula en présence de journalistes de nombreux pays, sur le côté droit de la scène les ministres au grand complet, et au centre, le Président la République. Pas une feuille de papier ou un document devant lui, les journalistes posant les questions en bloc, et les réponses arrivant méthodiquement. Durée du « spectacle » entre 1h 30 et 2 heures ! Cela contraste outrageusement avec ce qui se passe aujourd’hui : « le gouvernement », « mon gouvernement et moi-même », « la position de la France »… : le « nous » fut un leitmotiv au détriment du « je ».
Le retour progressif au « Grand Israël » ?
La conférence de presse de juin 1967, juste après la guerre des Six jours déclenchée par Israël, appela une réponse ferme et sans ambiguïté du Général, qui parla au nom de la France. Un conflit ayant révélé un certain nombre d’appréhensions : « on se demandait si l’implantation en Palestine avait été acquise dans des conditions plus ou moins justifiables, et au niveau des peuples qui leur sont foncièrement hostiles, n’allait pas entraîner d’interminables frictions et conflits ». Quasiment prophétique, d’autant plus que la colonisation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, fut condamnée par l’ONU. Certains ont redouté que les juifs, dès 1945, « …allaient rester ce qu’ils avaient été de tout temps, un peuple d’élite, sûr de lui-même et dominateur ». Ces propos ont fait grincer des dents en Israël et au sein de la diaspora ! Le Général de GAULLE imagina qu’Israël en vienne à espérer retrouver son ancienne grandeur, et imposer peu à peu son hégémonie sur la Palestine : « un souhait affirmé depuis 19 siècles, « L’an prochain à Jérusalem »…
C’est ainsi, que depuis deux ans, on a assisté au bombardement du Liban-sud, sans intérêt stratégique, mais correspondant à ce que les intégristes juifs nomment, « Le Grand Israël ». Cette région s’appelait autrefois la Judée et la Samarie, bien connue des chrétiens, puisque les Evangiles rapportent la traversée de ce secteur par Jésus. Le capital « sympathie » était pour autant du côté des Israéliens. Dans la mémoire, il y avait le souvenir encore frais de la Shoah, du génocide. Autre élément important : en 1948, les Anglais assuraient la sécurité en Palestine, mais une guerre civile éclata. Ces derniers, juste avant de quitter le pays, emprisonnèrent les juifs rebelles, pour mieux les réexpédier…en Allemagne !
Et de GAULLE d’enchaîner : « nous avons vu apparaître un Etat d’Israël guerrier, avec l’ambition de s’agrandir ». En 1956, la population d’Israël a plus que doublé : le nouvel Etat favorise par tous les moyens l’immigration des juifs de la planète, vers la « Terre Promise ». En conséquence, le territoire acquis avec la bénédiction de l’ONU ne suffira pas et justifiera son agrandissement. Pour le président français d’alors, Israël devait trouver une occasion pour justifier la conquête de nouveaux territoires. « La Vème République s’était dégagée des liens spéciaux et étroits que le régime précédent avait noué avec cet Etat (Israël) ». Il poursuit : « Nous n’avons jamais donné notre aval à son installation dans un quartier de Jérusalem, dont ils s’étaient emparés ».
Des propos tenus par De GAULLE tellement prophétiques
Vouloir conclure une paix réelle et durable, telle était la volonté de la France. L’affaire d’Aqaba (blocage des navires israéliens) allait offrir à Israël un prétexte à ceux qui voulaient en découdre : « Nous avons déclaré que nous donnerions tort à quiconque entamerait le premier, l’action par les armes. ». Propos affirmés par le Général dans sa rencontre avec M. EBAN alors ministre des Affaires étrangères d’Israël.
« Si Israël attaque en premier, la France condamnera l’initiative ». De GAULLE précisa : « Qu’alors, Israël engagé militairement sur le terrain, devra faire face à des difficultés grandissantes. La guerre en Orient risque d’alimenter dans le monde, une tension déplorable. C’est à vous, devenus conquérants, qu’on en attribuerait les inconvénients ». Même si le contexte d’aujourd’hui est différent, le propos est quasiment prophétique. Hélas, la voix de la France ne sera pas entendue et l’occupation israélienne devient irréversible avec son cortège d’oppression, de répression et d’expulsion.
La résistance palestinienne va s’organiser, et le cessez-le-feu défini par l’ONU ne sera jamais respecté. Les intégristes musulmans de Palestine vont ainsi favoriser l’ancrage du Hamas. Au cours de son intervention, De GAULLE insistera sur le fait qu’il ne peut y avoir de solution, sauf par la voie internationale et que le règlement ne peut se faire qu’après l’évacuation des territoires fraîchement conquis par la force, et la reconnaissance des deux Etats par tout le monde. On remarque qu’aujourd’hui ceux qui assurent une légitime pression pour la paix sont les pays musulmans modérés et les Etats-Unis. La France et l’Europe ont loupé le coche.
Quant à l’évacuation de la Cisjordanie, ce sont plus 520 000 israéliens qui devraient partir. Le vivre ensemble est possible même si la Cisjordanie représente 3 millions de Palestiniens pour 520 000 Israéliens.
Une histoire de reconnaissance mutuelle entre les deux Etats ?
Lors de sa conférence de presse, le Général fit insidieusement un croche-pied aux Etats-Unis. Nous sommes en 1967 et la guerre du Vietnam bat son plein : « si la paix revenait dans le Sud-Est asiatique, il semble que cela pourrait donner des signes de concorde aux belligérants ». Aujourd’hui, les belligérants sont les mêmes, mais si la paix revenait entre la Russie et l’Ukraine, cela pourrait sans doute préparer le terrain pour une paix globale au Moyen-Orient.
Les plus pessimistes assurent que plus rien ne sera possible, et on se perd en conjectures. Qui a vraiment commencé ? Le Hamas, le 07 octobre 2023 ? Israël en 1967 ? Pour les juifs la Palestine, c’est la terre que Dieu leur a promise et pour les musulmans, c’est le droit d’aînesse qui doit s’appliquer. Bref, Thora contre Coran, les solutions de paix ne pourront passer que par des interventions extérieures. De nombreux dirigeants et journalistes affirment qu’il est certes possible de reconnaître un Etat palestinien, à la condition que la Palestine reconnaisse l’Etat israélien, ce qui dès l’origine n’aurait jamais été effectué. Cette affirmation est fausse. Manque de culture historique ? Volonté de manipuler l’information pour faire passer des messages ? Que les politiques édulcorent l’information ou mentent, on est habitué ! Mais, c’est inadmissible du côté des journalistes ! Rappelons, que devant l’ONU, Yasser ARAFAT devenu président de l’Autorité palestinienne déclara reconnaître l’Etat d’Israël, renoncer au terrorisme et abolir la charte de l’OLP !
Tout est possible aujourd’hui, le vivre ensemble, juifs et palestiniens, même à Gaza. Un accord peut être signé. La question est de savoir si l’Histoire se répètera encore : des intégristes de tous les bords qui souhaiteront poursuivre le combat en torpillant les ententes et accords signés ! Une poignée de fous furieux ne gagnera jamais contre la raison et la paix. Combien sont-ils, ceux qui refusent la capitulation de la France en 1940 ? Un seul ! Le Général Charles de GAULLE…
« Les choses capitales qui ont été dites à l’Humanité ont toujours été des choses simples... ». Dixit Charles de GAULLE.
Jean-Paul ALLOU