Les plaisirs du potager sans ses inconvénients : « A River in the Garden » développe l’aquaponie facile à Auxerre
Le module se nomme « Tavaro ». Parfaitement intégré au beau milieu de cet espace de verdure formant un jardin de ville, il comprend trois éléments. Des bacs, accueillant de l’eau et de la végétation. Mais, attention, pas n’importe quelle végétation ! Les tomates y grossissent au fil des jours, profitant des chauds rayons d’un soleil salvateur ; les cornichons (pourquoi pas, après tout !) y apparaissent en petite quantité ainsi que les haricots verts, bien trop petits encore pour être dégustés ! Quant aux courgettes, il faudra que la propriétaire des lieux et testeuse passionnée de ce concept pour le moins insolite pour élever des légumes, patiente ! Une forme de jardinage dès plus naturel engendré par le biais de l’aquaponie.
AUXERRE : Le clapotis de l’eau est très agréable à l’oreille. La verdure occasionnée par la présence de légumineuses en phase de pousse sur la surface aquatique des trois bacs, confère à l’ensemble sérénité et lâcher-prise ! On se poserait bien volontiers sur le petit banc reliant deux des trois récipients afin de prendre un repos bien mérité, avec un bon bouquin à dévorer cet été. Sur les trois bacs, outre les légumes que l’on distingue en attente d’une taille convenable et propice à la consommation, il y a aussi des plantes, des fleurs et mêmes de fruits. Des fraises, tiens, tiens : Marie-Claude serait-elle friande de cette variété ?
« Je n’en ai pas planté beaucoup pour la phase test de cette expérience accueillie dans mon jardin, souligne-t-elle, mais je vais bientôt manger le deuxième spécimen que j’ai pu récolter… ».
Mais, cette épicurienne gourmande des arts de la table et de la culture sait déjà que la saison prochaine, elle en plantera davantage dans ce curieux assemblage qui se présente à nos yeux, basé sur les principes techniques de l’aquaponie.
L’idéale harmonie entre l’eau, les plantes et les poissons
A la mi-juin, c’est le propre neveu de Marie-Claude CASSEGRAIN, Guillaume du GARDIER, qui est venu depuis Paris lui assuré l’installation de ce modèle unique en son genre dans l’Yonne. Le jeune homme est à la tête de son entreprise AQUAPONIC GARDERING, qui commercialise via sa marque « A river in the garden » (une rivière dans le jardin) dans toute la France. Un concept, on ne peut original à bien des égards.
« Le principe est de réunir dans un seul espace l’eau, des poissons et des plantes. Sachant que les poissons vont rejeter dans l’eau la matière organique favorable au développement des plantes grâce au travail des bactéries. On a donc un système qui est résilient et durable et qui réduit de 90 % la consommation d’eau d’un potager traditionnel, tout en étant deux fois plus productifs car il n’y a pas de stress hydrique pour les plantes ayant en permanence accès à l’eau et à l’oxygène présent dans les bacs… ».
Des plantes qui peuvent évidemment se nourrir de tous les nutriments présents dans l’eau ! Cette technique de production hors sol a pour vocation de reproduire ce qui se passe dans la nature. Selon ses cycles, évidemment. Les poissons rejettent leurs excréments composés d’urée et d’ammoniac ; les bacs remplis d’eau reçoivent de petites billes d’argile servant de filtres permettant de transformer l’ammoniac en nitrates, des éléments recherchés par les végétaux. Ces derniers offrant les ingrédients nécessaires à la bonne évolution des poissons. Naturellement, c’est au propriétaire de ce système de nourrir régulièrement les animaux. Comme le rappelle Marie-Claude depuis son jardin auxerrois : « Les poissons viennent de recevoir leur portion de la journée sur laquelle ils se précipitent… ».
Un écosystème à domicile qu’il est nécessaire, toutefois, de surveiller de temps à autre, notamment le fameux « ph ».
« Il faut qu’il y ait en permanence suffisamment de minéraux, explique Guillaume, il faut trouver le juste équilibre entre l’hydroponie et l’aquaculture… ».
Tout peut se planter sauf les racines !
Face à nous, le bac à poissons contient 500 litres d’eau. Les deux autres bacs, complétant le dispositif, reçoivent environ deux cents litres d’eau. Quatre-vingts poissons rouges ont été introduits dans leur nouveau milieu courant juin. Soit à peu près vingt kilos !
« Les poissons rouges sont les plus faciles à gérer au début de l’aventure, souligne l’entrepreneur, mais après, une fois maîtrisée le principe, rien n’interdit d’introduire trois kilos de truites que l’on pourra élever chez soi ! ».
Des truites pouvant être consommées, il va de soi ! Comme l’autorise ce système de production de légumes et de fruits développement durable, sans pesticides et sans intrants particuliers, sauf la nourriture spécifique des poissons. Côté production, plus d’une cinquantaine de kilos de légumes et fruits peuvent être récoltés à l’année. Intéressant !
« Tous les légumes peuvent se planter, ajoute Guillaume du GARDIER, sauf les légumes racines comme les pommes de terre ou les carottes. Les fraisiers sont très bien ! Les fleurs qui peuvent se consommer également. Les fleurs peuvent être plantées toute l’année, cela permettra de créer d’agréables massifs… ».
Parallèlement, ce sont aussi des jardins à visée thérapeutique. Installés de plus en plus dans les résidences seniors, les centres hospitaliers, voire les EHPAD.
« On travaille sur le cognitif avec ce système de production végétale, précise Guillaume du GARDIER, même les personnalités à mobilité réduite peuvent circuler tout autour des bassins. Elles peuvent travailler à hauteur de table sur les bacs contenant des fruits et des légumes, d’où cette praticité. Même les établissements scolaires sont désormais interpellés par ce système de l’aquaponie, parce que là on s’immerge dans le vivant… ».
Sélectionné par le club entreprendre de WWF France !
Créée en janvier 2024, la startup est composée de trois associés dont deux co-fondateurs et développe avec deux autres collaborateurs un produit 100 % made in France.
« Nous, nous proposons un produit qui est certes 40 % plus cher que ce qui se fabrique à l’heure actuelle en Chine mais au moins il est durable et utilise exclusivement du bois, du douglas en provenance du Jura… ».
La jeune entreprise a été sélectionnée par le WWF France au sein du club entreprendre pour la planète de l’ONG internationale pour la qualité de ses valeurs. En outre, à chaque fois qu’un système d’aquaponie est posé, la structure professionnelle replante un douglas dans une forêt de l’Hexagone. Un geste haut en symbole et salvateur pour l’environnement qui s’accompagne du versement de cent euros à l’association « Rivières Sauvages de France », possédant un label.
Une manière de promouvoir le bon sens du vivant, loin des pesticides et de la surproduction.
Thierry BRET