Du parvis de l’abbaye Saint-Germain aux quais de l’Yonne, la cité bourguignonne a vibré pendant trois jours au rythme des troubadours, des combats chevaleresques et des métiers oubliés. Les « Médiévales d’Auxerre », pour leur seconde édition, ont rassemblé petits et grands autour d’un voyage immersif dans une époque aussi fascinante que méconnue.
AUXERRE : A tout seigneur tout honneur, comment envisager une fête médiévale sans la participation des artisans du château de Guédelon ? Sur le parvis de l’abbaye Saint-Germain, Antonio affûte le fil de sa hache tout en prenant le temps de converser avec les visiteurs autour de son métier de charpentier à l’ancienne. Le travail ne manque pas : « actuellement, nous sommes en train de construire la grande porte du château, 4,50 m de hauteur, 3,80 m de large, 800 kg par vantail… ». Cela ne semble pas prêt de s’arrêter, « on estime en avoir encore pour une dizaine d’années sur le château, mais à terme, on souhaite faire tout un village, des meubles, et cela peut encore durer trente ans ! ». Pas peu fier de participer à l’aventure et de maîtriser une technique venue de la nuit des temps : « en France, nous sommes une centaine à la pratiquer et il est vrai que l’incendie de Notre-Dame de Paris aura permis de remettre au goût du jour un savoir-faire qui était en train de disparaître… ».
Et ce n’est pas un hasard si des anciens charpentiers et forgerons de Guédelon ont contribué à la reconstruction de la cathédrale dévastée. Arrivé en Puisaye il y a trois ans, Nicolas y a appris le métier de cordier. Une façon en quelque sorte, de mettre une corde supplémentaire à son arc, pour ce guide conférencier devenu chroniqueur sur le site : « le cordier au XIIIe siècle, était nomade et allait de chantier en chantier, se procurant auprès des paysans le chanvre nécessaire à la fabrication des cordes… ».
Des artistes et artisans qui plantent le décor…
Leurs costumes ne sont pas à laisser sous la pluie, au risque de les faire rouiller ! Première équipe bourguignonne de béhourd, les « Descendants du Hardi », haches, épées et autres armes d’acier à la main, viennent d’entamer un combat à quatre. Sous leurs armures intégrales sécuritaires, tout est permis ou presque. Ça cogne, ça taille, ça frappe, avec pour objectif de faire chuter l’adversaire. Des coups portés à pleine puissance à mi-chemin entre le sport de combat et la reconstitution historique, pour un spectacle s’inspirant directement des anciens tournois médiévaux. Mais sous le soleil estival de l’été indien, qu’il doit faire chaud dans leur costume façon boîte de conserve ! Retour par le centre-ville où, au son de la flûte, du bouzouki et du tambourin, la compagnie AMBRALUNA entraîne dans son sillage les promeneurs, au fil des pavés du secteur piétonnier dont les maisons à colombage plantent le décor.
« Damoiselles et damoiseaux, jouvencelles et jouvenceaux, gueux, pestiférés et autres crève-la dalle, bien le bonjour ! ». Place à Gweltaz et ses deux compères, alias « Le crieur et le bailli », mandatés pour rendre la justice de manière équitable (ou presque !) en place publique à l’aide d’une roue très « partisane ». Rien à voir avec « l’Ecole des fans », ici, on perd à tous les coups et tout le monde est coupable, pour le meilleur et pour le rire !
« Les sorcières au bûcher, les voleurs au pilori, les menteurs à la corde ! ». Cela tombe bien, leur charrette « trois en un » a été conçue en ce sens. Ciel ! Une gourgandine s’est échappée… Cogné, compagnon d’infortune en prend pour son grade, « va mettre du cirage sur tes fesses maraud, ce soir on fait briller mes bottes ! ».
Des Médiévales prêtes à se poursuivre dans le temps
« Et on lui pèlera le jonc, comme au bailli du Limousin… ». Certains l’assurent, on aurait même croisé dans les rues d’Auxerre Godefroy Amaury de Malefète, comte de Montmirail, d’Apremont et de Papincourt, dit « le Hardi », flanqué de son inénarrable « Jacquouille la Fripouille »… Il est vrai qu’à force de ripailler et festoyer, la cervoise et l’hypocras ouvrent l’imagination ! Direction les quais de l’Yonne où « Coquillard » et « Pied-gras », deux soudards anglophobes ont été tout spécialement mandatés pour instruire les promeneurs sur l’art de la guerre au Moyen-Âge. Ou comment, machines à l’appui, tout savoir sur le trébuchet à roue carrier, la pierrière, le couillard, la bombarde et autres canons.
Mais attention à vos « esgourdes », si les projectiles, des ballons remplis d’eau, sont inoffensifs, le tir est bien réel et sonore : « Sus à l’anglois, mort au godon ! ». Jongleurs, cracheurs de feu, forgerons, conférences, fauconnier, banquet et bal médiévaux… : le programme tout au long du week-end aura été des plus éclectiques, à l’image de cette période de l’Histoire, rappelle Julien JOUVET, conseiller municipal et maître d’œuvre de l’évènement : « parler du Moyen-Âge, c’est évoquer mille ans d’histoire pendant lesquels, entre la fin de l’Empire Romain et le début de la Renaissance, les gens n’ont pas vécu de la même manière, n’ont pas construit de la même manière, une époque d’une extrême richesse… ».
Tout prêt à faire de ces « Médiévales » une biennale qui se perpétuerait dans le temps, mais il faudra pour cela, passer par la redoutable case des Municipales en 2026 !
Dominique BERNERD