Patrimoine : le général Paul-Frédéric ROLLET, héros de la Légion étrangère, un nom d’avenue et puis c’est tout !
Il est né à Auxerre et c’est notre fierté. Il a marqué notre histoire et la légende de la France en offrant sa vie pour défendre la patrie. Ses valeurs sont immuables, et propre au corps auquel il appartint. Comme beaucoup de héros, il est tombé dans l’oubli et certains pensent qu’oublier un mort, c’est le tuer une deuxième fois… Pour cette tribune estivale, nous souhaitons partager la réhabilitation de ce grand personnage. Une tribune pour inviter au voyage, à la culture et à la lecture…
TRIBUNE : Né à Auxerre, dans l’Yonne, le 20 décembre 1875, où son père sert comme officier au 46ème régiment d'infanterie de ligne, il est le fils d’un polytechnicien, futur général, et d'Élisa DEZOTEUX. Il descend du doyen Claude-Étienne DELVINCOURT et est un cousin germain du doyen Étienne PATTE. Il se marie le 26 avril 1925 à Sidi-Bel-Abbès (Algérie) avec Alice HEBERT. Une formation prometteuse : il est admis à l’école spéciale militaire de Saint-Cyr en 1894.
Après de brillantes études, il est affecté au 91ème régiment d'infanterie à Mézières. Toute sa vie sera consacrée à la Légion étrangère. Il défend les valeurs républicaines, le drapeau tricolore et l’amour de la patrie. « Honneur et Fidélité » est la devise de la Légion étrangère dans les forces armées françaises, inscrite sur ses drapeaux à partir de 1920, en lieu et place « d'honneur et patrie » des drapeaux de la République française. « La Légion est notre patrie », c’est le slogan des légionnaires. Un cri, une prière : « Le diable marche avec nous » est plus qu'une simple phrase ; c'est une représentation de l'identité, de l'histoire et des valeurs de la Légion étrangère, incarnant leur courage, leur endurance et leur fraternité indéfectible face aux défis.
Tel fut notre héros ! Règlement incontournable, article 1 « Légionnaire, tu es un volontaire, servant la France avec honneur et fidélité ». Art. 2 : « Chaque légionnaire est ton frère d'armes, quelle que soit sa nationalité, sa race, sa religion. Tu lui manifestes toujours la solidarité étroite qui doit unir les membres d'une même famille. Légionnaire devient un sacerdoce… ».
Notre célèbre auxerrois a sillonné les routes du monde en chantant « Tiens voilà du boudin ». Rappelons que le boudin est en réalité une toile de tente, que l’on roulait serrée. On la posait sur le barda ou sur le sac. C’est donc sa forme qui donne le nom de la célèbre chanson. Un fameux boudin, la chanson le déclare : « pour les Alsaciens, les Suisses et les Lorrains. Pour les Belges, y’en a plus ». En effet, durant la guerre de 1870, le roi des Belges, Léopold II, avait demandé le rappel de tous les Belges engagés dans la Légion étrangère. Aujourd’hui, la Légion est ouverte à tout le monde, même aux Belges… L'expression « Marche ou crève » est étroitement associée à la Légion étrangère française, une unité militaire célèbre pour sa dureté et son esprit de corps. Cette phrase symbolise la rigueur, la résilience et l'engagement absolu demandés à ses membres. C’est la parfaite illustration de notre courageux auxerrois.
Un auxerrois hors du temps mais dans l’histoire nationale
Il sert d’abord en Algérie (1899-1902) puis à Madagascar (1902-1905), avant de revenir en Algérie (1905-1909). Promu capitaine en mars 1909, il commande la 3ème compagnie montée du premier bataillon de marche du 2ème REI de 1909 à 1914. Mais, la Première Guerre mondiale éclate alors qu’il est en congé en France. Comme il veut absolument être au front, il se fait affecter au 31me Régiment d’infanterie, puis au 331ème Régiment d’infanterie. Blessé deux fois, après plusieurs victoires, il deviendra chef de bataillon à titre définitif.
Le 18 mai 1917, il retrouve la Légion étrangère et prend le commandement du régiment de marche de la Légion comme lieutenant-colonel. Sous son commandement, le régiment se couvrira de gloire lors des combats de Hangard-en-Santerre, de la Montagne de Paris, puis en perçant la ligne Hindenburg, combat qui deviendra la fête du 3ème REI, régiment héritier des traditions de la Légion. Le drapeau du régiment est alors décoré de quatre nouvelles citations (il en avait déjà cinq) ainsi que de la fourragère double, aux couleurs de la Légion d’honneur et de la Croix de guerre.
À la fin de la guerre 1914-1918, il participe à la pacification du Maroc avec son régiment devenu le 3ème Régiment étranger d’infanterie. Il est alors promu colonel. En 1925, il prend le commandement du 1er Régiment étranger à Sidi-Bel-Abbès. Il y restera jusqu’à l’organisation des fêtes du « Centenaire », le 30 avril 1931.
C’est le premier avril 1931 qu’il prend le commandement de l’inspection de la Légion étrangère, poste créé tout spécialement à son intention. Après plusieurs années de combats, et de victoires, il prend sa retraite le 20 décembre 1935. Il aura effectué 41 années de service militaire, dont 33 ans à la Légion. Il a consacré les dernières années de sa carrière à l’organisation de la Légion étrangère moderne et à la réalisation d’une œuvre sociale considérable au profit des légionnaires d’active, comme des anciens. Il poursuivra son action sociale après avoir quitté le service actif.
Il meurt à Paris, le 16 avril 1941. Il fut une figure légendaire de la Légion étrangère, grâce à ses qualités de chef, mais aussi de soldat, d’homme de caractère et de cœur. Il est encore surnommé « le Père Légion ». Ce titre reflètera son implication dans l’organisation des unités, ainsi que l’amour qu’il donnait à ses hommes. Conformément à ses vœux, le général Paul-Frédéric ROLLET (oui c’est bien de lui dont il s’agit !) retrouve la terre d'Algérie après sa mort. Son corps fut inhumé au cimetière du légionnaire de Sidi Bel-Abbès, le 25 avril 1941. Son épouse s'installa dans une villa près du quartier des légionnaires et perpétua le souvenir de son époux. Elle fit reconstituer le bureau du général, dans lequel trônait un mannequin de cire à son effigie. Tout nouvel officier arrivant au régiment se devait d'aller présenter ses hommages à Madame ROLLET et saluer militairement le mannequin du général !
Quand la Légion quitta définitivement l'Algérie, le corps du général Frédéric ROLLET fut transporté en France, au carré Légion du cimetière de Puyloubier. Il existe à Auxerre une avenue Général Rollet, c’est un minimum ! La ville pourrait ériger une statue à sa mémoire, dans une époque, où le goût pour la patrie se délite progressivement…
« La légion ! Ce mot, pour tout esprit sensible au mystère, au courage, au hasard, a un pouvoir fascinant. Comment ne pas subir l'attrait de ces hommes au passé aboli et qui, dans les fatigues et les périls d'une guerre éternelle pour eux, trouvent leur refuge suprême ? Ils passent lents, carrés, derrière les bêtes de somme. Ils ont des figures fermées comme des énigmes. Ils vont tête nue. Le soleil pesant ne les effraie pas, eux qui le portent en épaisses couches fauves sur les joues, les nuques et les fronts ». Joseph KESSEL.
Quelques conseils de livres pour vos vacances
Lu pour vous : « Paul-Frédéric Rollet, père de la légion étrangère », de Pierre SOULIE aux éditions Italiques Eds (2007), « Histoires secrètes et curieuses des chats » de Marc LEFRANCOIS aux éditions City (2016), sans oublier dans la valise et écrit pour vous : « Il était une foi…la mienne » de Jean-Paul ALLOU, éditions Stylit (2024) ou encore le tome 2 des tribunes parues sur Presse Evasion « E-articles pour e-journal » de Jean-Paul ALLOU et France C., aux éditions Stylit (Juin 2025).
Jean-Paul ALLOU