L’actrice lit des œuvres de Marie NOEL pour la SSHNY : le supplément d’âme de Marie-Christine BARRAULT…
La grâce. Dans l’attitude. L’incarnation. La gestuelle. La voix. Celle-ci est bien posée. Elle est forte, avec des intonations puissantes par moment, afin d’amplifier les instants de solennité et d’émotion qui découlent de la lecture de ces textes. Ils sont d’une grande richesse historique. L’œuvre de la poétesse auxerroise, Marie NOEL. Pas qu’une plume de poète d’ailleurs, quand elle narre avec parfois un humour pertinent les temps troublés de l’Occupation et l’espérance des Auxerrois, impatients de voir leur ville libérée du joug allemand. Pour en faire lecture et les interpréter avec le vibrato nécessaire : une comédienne hors pair ! Une Marie-Christine BARRAULT, heureuse d’être là…
AUXERRE : Ils en ont de la chance, les membres de la respectueuse et vénérable Société des Sciences Historiques et Naturelles de l’Yonne ! La SSHNY, selon l’acronyme qui prévaut. Une véritable référence intellectuelle et culturelle de la vie associative auxerroise qui a pris ses racines…en 1847 ! Rien que ça !
A travers les âges, au-delà du temps, ces férus de belles lettres et de savoirs historiques distillés sous ses plus beaux atours culturels et artistiques savent mettre en lumière les sujets qui les passionnent. Dans ce cadre qui leur sied à merveille : le théâtre de Verdure de la Maison Marie Noël. Ils ont pour marraine via la Maison de Marie NOEL l’excellente Marie-Christine BARRAULT ! Oui, oui, vous avez bien lu ! La comédienne qui entama la carrière qu’on lui connaît, au sortir du Conservatoire en 1965…
Déclamer de la poésie ou lire des textes ?!
Pas la peine de la présenter ! Un parcours professionnel jalonné de pièces de théâtre, de longs-métrages réalisés pour le cinéma aux côtés de réalisateurs de prestige qui ont pour noms Woody ALLEN, Andrzej WAJDA ou André DELVAUX. Sans omettre des apparitions éclatantes sur le petit écran, sous la direction là-aussi des plus grands, de Roger VADIM à Claude SANTELLI…
Simple en élégance, accessible – la soixantaine de spectateurs eut tout le loisir de pouvoir échanger avec elle à l’issue de l’heure et quart de représentation passée bien trop vite -, lumineuse et enjouée, Marie-Christine BARRAULT ne se fait pas prier pour rejoindre, juste avant de gravir les quelques marches lui permettant d’accéder à la scène de ce magnifique théâtre de verdure, le président de la Société des Sciences Historiques et Naturelles de l’Yonne, un Alain CATTAGNI très en verve au niveau de ses explications.
Démarre alors entre les deux orateurs un échange impromptu, teinté d’humour et de réparties mordantes. Lui, introduisant la narratrice de la soirée, « elle va déclamer la poésie de l’autrice auxerroise… ». Elle, malicieuse, « je ne vais pas la déclamer mais lire des textes ! ». Le public se réjouit de cette phase introductive, succulente à bien des égards, pleine de promesse pour la suite de la soirée.
On s’en réjouit parmi les premiers rangs des spectateurs qui n’en perdent pas une miette. Les explications de cette séance publique de lecture de textes et de poèmes (ils ne seront que trois in fine) de l’auguste référence littéraire de la capitale de l’Yonne à la plume parfois mutine se dévoilent à l’auditoire où l’on reconnaitra l’adjointe de la Ville en charge de la Culture et conseillère régionale, Céline BAHR. Elle est assise aux côtés du couple d’anciens praticiens, bien connus des Auxerrois, les docteurs Françoise et Serge TCHERAKIAN. Une autre figure de la vie culturelle du landerneau est là, Espérance HERVE…
Pas une simple lecture mais une émouvante interprétation…
La scène est épurée au possible. Un fauteuil stylisé, moelleux et cosy. Il ne servira qu’au décorum en fin de compte ! Une table basse où la liseuse pose ses documents, le tout agrémenté d’une carafe d’eau et d’un verre. Histoire de se désaltérer un peu entre deux lectures. Nécessaire, il fait encore chaud à cette heure de la journée. Un pupitre. Là, accrochée à celui-ci, Marie-Christine BARRAULT nous propose une plongée vertigineuse et épistolaire dans l’Histoire. Une remontée dans le temps, avec à chaque lecture, une date ponctuant l’époque. De 1941 à 1944. Les heures sombres de la France. Les heures tragiques et pourtant, emplies d’espoir…
Commémorer le 80ème anniversaire de la Libération de la capitale de l’Yonne par ce biais est remarquable. Nous voilà embarquer, nous autres spectateurs, dans ces épisodes précis et très bien documentés qui ont pour appellations littéraires, « Prophétie », « Adieu la France », « L’Espoir », « Trois Femmes » ou encore « Alerte ».
On n’écoute pas des textes lus par une comédienne, on se jette tout entier dans ces histoires qui prennent corps et vie grâce au talent de l’interprète. Le moindre soupir, la plus haletante des respirations, la plus subtile inflexion dans la voix font vibrer ce parterre de privilégiés qui n’en demandaient pas tant !
Tour à tour, des personnages anonymes, voire des noms connus, envahissent l’espace, tels des revenants qui viendraient se rappeler à notre bon souvenir : l’abbé DESCHAMPS, l’ancien édile d’Auxerre Jean MOREAU, le Général de GAULLE, Winston CHURCHILL, André MALRAUX… L’Histoire avec un grand « H » !
Quand le verbe et la poésie deviennent des armes contre l’occupant
De temps à autre, le bruit caractéristique d’un moteur automobile ou le pépiement des oiseaux nous ramènent subrepticement à la réalité. Ce ne sont que des bruits furtifs qui n’altèrent en rien l’avancée de cette découverte ou non pour les puristes des écrits de Marie NOEL. Des textes tirés de son ouvrage, « Notes intimes », publié en 1959. Quant aux poésies, elles proviennent du recueil « Chants d’arrière-saison », édité en 1961, à mettre entre toutes les mains.
Douleur, héroïsme, peur, joie, drame, foi – les références à Sainte Jeanne d’Arc sont légion dans les textes de la poétesse icaunaise -, espérance… : l’Occupation décrite par l’auteur de l’Yonne prend ici toute sa dimension. Une dimension de pureté, de sentiments, et de vérité, au firmament de la compréhension, avec l’intervention orale de Marie-Christine BARRAULT, toute en beauté et en supplément d’âme dans sa lecture. Sublime !
« La poésie est une arme chargée de futur », écrivait le poète espagnol Gabriel CELAYA, un instrument parmi d’autres pour transformer le monde… ».
Marie NOEL, grâce à ses textes, et Marie-Christine BARRAULT, du fait de son interprétation, en ont signé une bouleversante partition…
Thierry BRET