Le regard est perçant, parfois un brin mélancolique. Mais, la poignée de main reste, quant à elle, toujours aussi chaleureuse et ferme. Un peu amaigri, une barbe bien taillée qui lui mange le visage, d’apparence dynamique, l’ancien dirigeant du groupe DAVEM (SSITEK, CFPI, PROTEKFLAM) profite des salvateurs rayons du soleil matinal, malgré la présence d’un petit zéphyr frisquet, pour honorer ce rendez-vous. Un banc et une table de bois, installés sur la pelouse faisant face au siège social de son entreprise qu’il vient de céder au 01er août à l’enseigne « IPSI », feront office de lieu d’entretien. Rien de formel dans les faits. Juste une simple discussion pour faire le point sur le parcours du combattant vécu par un chef d’entreprise confronté à un fléau de notre société où l’on se retrouve seul face à la réalité et à soi-même : la maladie…
AUXERRE : Le mot revient sans cesse dans sa bouche. Comme un leitmotiv qui le rend plus fort au fil des minutes qui s’égrènent. Une méthode Coué à répétition qui fait du bien à l’âme et qui rend notre valeureux interlocuteur encore plus guerrier face à la pathologie : « mon combat » !
Sans jamais tomber dans le pathos, David CHOMAT parle. Librement, sans langue de bois, à cœur ouvert. Lui qui fréquente depuis le 22 janvier 2024 les antichambres et les alcôves des centres hospitaliers de la région, quand ce n’est pas l’univers des « chambres stériles » parce que sa maladie, grave, très sérieuse, pouvant être fatale à tout moment, ne lui permet aucune fausse note. Ni aucun compromis dans son mode d’existence. Aujourd’hui, chamboulé, torturé, trituré, modifié…celle-ci est planifiée à l’insu de son plein gré et selon les protocoles sanitaires.
Un destin qui a basculé en janvier 2024
Sacré David, quel tempérament as-tu pour nous prouver que la vie est la plus belle chose qu’il soit et qu’il faut se donner tous les moyens existentiels pour la préserver ! Toi, tu as choisi de lutter au jour le jour et de te battre, jusqu’au bout, bec et ongles, en laissant aucune place à la Camarde qui est pourtant tapis là, sournoise près de toi, prête à te saisir et t’emporter à l’autre bout du tunnel. Mais, ta volonté pour lutter contre le fléau qui te ronge est la plus forte…
Détendu, serein, en son âme et conscience, David CHOMAT, président fondateur du feu groupe « DAVEM », spécialiste reconnu de la sécurité incendie mais aussi du diagnostic, du conseil et de la formation sur les territoires de l’Aube et de l’Yonne, se libère d’un poids. En parlant à livre ouvert, en évoquant les désormais hauts et bas de son existence qui a basculé par un mauvais jour de janvier 2024 alors qu’il se sentait terriblement fatigué. Le coup de mou ordinaire d’un entrepreneur aux multiples casquettes, à la pugnacité reconnue tant à la CPME puis au MEDEF mais aussi auprès de ses concurrents qui apprécient le personnage ? Que nenni !
Ce n’est ni le coup de blues du chef d’entreprise en manque de marché (les trois entités qui forment la holding « DAVEM » se portent comme un charme à la grande satisfaction de la quinzaine de collaborateurs multipliant ventes et contrats), ni la fatigue au sortir de l’hiver avec ses virus grippaux ou les restes de son COVID-19 qui ne cesse de muter en nouvelles variantes.
Non, la réalité est beaucoup plus sérieuse que cela à l’analyse des prises de sang initiales. La leucémie dans sa configuration la plus virulente est là, dans ce corps de sportif aguerri, celui d’un judoka qui n’a jamais cessé de pratiquer dès qu’il en avait le temps. De chimiothérapies en poches de sang à administrer à répétition, de traitements lourds aux perfusions multiples qui injectent des produits nocifs et trop virulents qui lui vrillent la tête et le corps, David CHOMAT traverse la pire période de sa vie, à l’âge de son demi-siècle. Etrange destin que celui-ci.
Trouver un donneur compatible ? Une chance sur un million
Depuis son lit d’hôpital en chambre stérile au CHU de Dijon, transpercé de toute part de tuyaux comme un Christ en croix (huit perfusions en simultanée) et dans un état proche de l’Ohio comme le chantait si bien la belle ADJANI, le grand David (dans tous les sens du terme en matière de grandeur d’âme et de résilience) continue à gérer vaille que vaille et quand il le peut, son « bébé », l’ensemble de ses entreprises. Une entreprise qu’on lui conseille de revendre, malgré tout, vu son état si préoccupant…
« Tout a été mis en place désormais pour que l’activité professionnelle perdure avec des équipes efficaces et le soutien logistique, technique, administratif et commercial du repreneur, le groupe « IPSI » dont le siège social est implanté à Lyon, explique-t-il.
De quoi rassurer les partenaires, les financiers, les fournisseurs, les clients, les collaborateurs…Lui-même, aussi. Même si au fond de son cœur, ça pique beaucoup que de se séparer de sa raison d’être, sa boîte. Le sens du devoir accompli habite ce garçon qui possède un sérieux panache face à l’adversité…Chapeau bas et respect !
D’ici quelques jours, David CHOMAT entamera un autre chapitre de son « combat » acharné. Il se déroulera au CHU de Besançon dès le 28 août. Une greffe. « Sa » greffe ! Tant attendue et espérée après trois mois de recherches menées par le centre hospitalier bisontin pour trouver le donneur compatible. La donneuse est américaine, c’est dire la difficulté…
« La greffe, c’est une chance sur un million pour trouver un donneur qui soit compatible avec vous, quand on est d’origine caucasienne, précise pédagogue un David CHOMAT qui esquisse un léger sourire.
L’extrême solitude de l’entrepreneur face à la maladie
Cela fait froid dans le dos rien que d’y penser. Quant aux chances de réussite après cette lourde, très lourde transfusion intégrale de son sang, elles tiennent en un seul pourcentage sur une échelle de cent. Vingt pour cent ! David élimine vite les pourcentages néfastes en balayant du revers de la main ceux du rejet, des troubles secondaires qui peuvent amener à se créer d’autres cancers, ceux des décès inéluctables…
Optimiste, croyant dur comme fer à la vie et à ses nobles vertus, se raccrochant à la moindre minute d’espérance et surtout à ses innombrables « combats » qui l’attendent d’ici quelques semaines dès la sortie de son hospitalisation franc-comtoise, David est prêt à vivre cette « aventure » avec un grand « A » qui lui procure de l’énergie et surtout de l’espérance.
« Je vais avoir à cœur de travailler ensuite auprès des instances du MEDEF mais aussi de la Ligue départementale contre le Cancer de l’Yonne au service de tous ces chefs d’entreprise, ces artisans, ces commerçants, ces indépendants qui sont contraints par la maladie à vendre dans le meilleur des cas ou à fermer leur outil de travail qu’ils ont parfois créés… ».
Des professionnels qui sont la plupart du temps seuls face à leur destinée. On en aurait presque les larmes aux yeux. Tant le garçon est déjà en totale communion avec ses envies et ses désirs. Celui du témoin qui ne passera pas sous silence, tel un reclus, ce qu’il a enduré et vécu depuis des mois.
Car, il est vrai et il le confirme à maintes reprises, il y a bien peu de réponses tangibles apportées à celles et à ceux qui souffrent dans leur chair quand la maladie est là. Il ne reste alors qu’une seule alliée pour rester dans la dynamique : la solitude. Parfois, porteuse de renouveau, de volonté à tout crin et de résilience.
David CHOMAT, lui, a choisi de redevenir un acteur de sa vie et de ne plus être un simple « spectateur » de son existence devant subir un protocole mois après mois, semaine après semaine, sans réagir. Le propre de la nature humaine. Symbole du courage et de cette folle envie de vivre…
Thierry BRET