Imprimer cette page

La gastronomie perd l’une de ses étoiles : Marc MENEAU rejoint la Voie lactée des toques éternelles…

« L’une des références incontournables de la gastronomie française n’allumera plus les fourneaux de la créativité et de la succulence pour titiller nos papilles : le chef de « L’Espérance » Marc MENEAU disparaît à l’âge de 77 ans. Il avait donné ses lettres de noblesse aux arts de vivre et à la cuisine durant plusieurs décennies, aux côtés de son épouse Françoise… ». « L’une des références incontournables de la gastronomie française n’allumera plus les fourneaux de la créativité et de la succulence pour titiller nos papilles : le chef de « L’Espérance » Marc MENEAU disparaît à l’âge de 77 ans. Il avait donné ses lettres de noblesse aux arts de vivre et à la cuisine durant plusieurs décennies, aux côtés de son épouse Françoise… ». Crédit Photos : Philippe SCHAFF/Philippe HIEST.

Le personnage était truculent. Entier, humaniste et généreux. Déjeuner en qualité de journaliste à la table du maître nécessitait de prendre son temps et de chambouler son agenda de l’après-midi. Même si l’hôte qui vous accueillait avec sa faconde habituelle dans cet antre de la gastronomie que représentait « L’Espérance » (triple étoilé au Michelin) promettait de faire vite. Au détour de quelques plats de sa composition, si simples à ses yeux mais savamment cuisinés. Hommage à ce génie créatif des fourneaux…

SAINT-PERE-SOUS-VEZELAY : Déjeuner à la table de cet autodidacte de la gastronomie française en sa compagnie et de son épouse Françoise supposait impérieusement de ne pas avoir à consulter sa montre pendue à son bras !

D’une part, l’homme, perfectionniste dans l’âme, était d’une rigueur ponctuelle rare et ne supportait pas le moindre retard occasionné lors de ces rendez-vous épicuriens, même s’il fût justifié de quelconques impondérables survenant sur la route.

D’autre part, disserter avec lui de l’avenir de sa grande maison, de politique, de la France, de la vinification de ses vignes ou de sa profonde amitié avec Serge GAINSBOURG qu’il considérait comme son « frère » supposait nécessairement avoir du temps devant soi.

Et aujourd’hui, à l’annonce officielle de son départ définitif sous d’autres cieux plus cléments qui n’assombriront plus les dernières années de sa vie, perturbée par la liquidation judiciaire de sa maison et la maladie, ces instants de bonheur partagés autour de l’une de ses savoureuses spécialités n’en sont que plus réjouissants. Appétissants, aussi, tant pour l’estomac que pour l’esprit.

 

 

Du rêve et de la magie au fond de l’assiette…

 

Subtil, tout en finesse dans ses propos lorsqu’il réécrivait l’histoire, la sienne et celle des autres, Marc MENEAU se dégustait comme l’une de ses succulentes recettes. Sans modération et avec beaucoup de gourmandise. Passionné et passionnant, il vous embarquait après le troisième ou quatrième plat vers des réflexions pertinentes où le temps ne possédait plus d’emprise sur le repas. Lui qui avait côtoyé les plus grands (François MITTERRAND, Helmut KOHL, Mstislav ROSTROPOVICTCH…). Lui qui savait d’où il venait. Lui qui a apporté une nouvelle coloration chatoyante à la gastronomie française. Voire universelle.

Triplement étoilé par la fameuse institution Michelin, cet Avallonnais avait su redonner ses lettres de noblesse à l’artisanat et aux métiers de bouche. Conférant à cette cuisine dont il avait appris les fondements dans les livres une dimension exceptionnelle. Il suffisait de se régaler de ces célébrissimes « huîtres en gelée d’eau » ou de goûter le « cromesquis de foie gras » pour se sentir pousser des ailes !

Inventif, débordant d’imaginaire pour concocter des mets dont il était le seul  à posséder les secrets, esthète des arts de vivre, cet auguste personnage avait su créer à « L’Espérance » une ambiance particulière, faite de douceur et d’onirisme qui réchauffait les cœurs. Utilisant à bon escient les plantes et les légumes issues de son jardin pour en agrémenter ses plats.

 

 

Un chef d’entreprise auréolé par de nombreuses distinctions…

 

Ses titres de gloire sont multiples. Meilleur cuisinier français de l’année 1983, auréolé par le Michelin, nous l’avons dit, et le Gault et Millau avec la mirifique note de 19 sur 20, Marc MENEAU avait été promu chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres, avant de recevoir une autre distinction du même acabit : le titre de chevalier de l’Ordre national du Mérite. Il fut fait chevalier de la Légion d’honneur en 1998.

Le 13 octobre 2014, Françoise, son épouse, eut l’honneur de se voir remettre les insignes de chevalier dans l’Ordre de la Légion d’honneur des mains de Paulette LAUBIE, présidente du Conseil européen des Femmes et Entreprises.

Avec son fils, Pierre, Marc MENEAU essaiera en vain de sauver ce vaisseau amiral que fut en son temps « L’Espérance », confronté à un endettement exponentiel et à un avenir de plus en plus incertain.

La perte de ses étoiles lui asséna un sérieux coup. De même que la liquidation judiciaire qui condamna de manière définitive sa société en 2015.

A 77 ans, le grand chef a donc éteint pour la dernière fois ses fourneaux. Parti trop tôt vers cette voie Lactée des grandes toques culinaires qui accueille désormais Joël ROBUCHON, Paul BOCUSE ou Pierre TROISGROIS. Le paradis des cordons bleus pour l’éternité…

Thierry BRET